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Publié le 23 Avril 2024

Street Scene (Kurt Weill – Philadelphie, Schubert Theater, 16 décembre 1946,  New York, Adelphi Theatre, 9 janvier 1947 – version révisée)
Fragments de l’opéra de Broadway de 1948 Street Scene
Représentation du 19 avril 2024
MC93, Maison de la culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny

Artistes en résidence à l’Académie de l'Opéra de Paris

Greta Fiorentino Sima Ouahman
Emma Jones Seray Pinar
George Jones Luis Felipe Sousa
Carl Olsen Adrien Mathonat
Anna Maurrant Margarita Polonskaya
Frank Maurrant Ihor Mostovoi
Rose Maurrant Teona Todua
Sam Kaplan Kevin Punnackal
Shirley Kaplan Lisa Chaïb-Auriol
Mrs Hildebrand Sofia Anisimova

Artistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine
Charlie Hildebrand Noah Diabate
Willie Maurrant Nicolas Brière

Artistes invités
Mae Jones Lindsay Atherton
Dick McGann Robson Broad
Mr Sankey Teddy Chawa
Mr Fiorentino Francesco Lucii
Olga Olsen Cornelia Oncioiu
Harry Easter Jeremy Weiss

Direction musicale Yshani Perinpanayagam
Mise en scène Ted Huffman (2024)

Avec les musiciens de l’Académie de l’Opéra national de Paris et les musiciens de l'Orchestre atelier Ostinato
Coproduction avec la MC93 Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis

Après ‘Don Giovanni’ en 2014, chanté par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, puis ‘La Chauve Souris’ en 2019, l’Académie de l’Opéra de Paris est de retour au MC93 de Bobigny pour y présenter des fragments de ‘Street Scene’, un des opéras de Kurt Weill qui inspirera plus tard Leonardo Bernstein par l’art avec lequel plusieurs influences musicales sont unifiées en une même composition orchestrale afin de conduire à un drame poignant.

Margarita Polonskaya (Anna Maurrant)

Margarita Polonskaya (Anna Maurrant)

Dans cette œuvre, le compositeur allemand, naturalisé ‘Américain’ en 1943, se base sur une nouvelle d’Emler Rice (1929) pour décrire la vie fourmillante d’un quartier de l’est de Manhattan où les habitants vivent en songeant à un avenir meilleur.

Plusieurs familles cohabitent plus ou moins difficilement, la famille Jones, menée par Emma, véritable commère mariée à un homme alcoolique, le couple suédois Olsen, le couple italo-allemand Fiorentino, la mère célibataire Hildebrand et son petit garçon, la famille érudite Kaplan dont le fils, Sam, est amoureux de Rose Maurrant autour de laquelle la tragédie va se cristalliser.

Et pour cette version réduite à une heure quarante, seuls dix-huit de la trentaine de personnages sont incarnés, dix par les artistes de l’Académie, deux enfants par les artistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, auxquels se joignent six autres artistes invités.

Cornelia Oncioiu (Olga Olsen) et Adrien Mathonat (Carl Olsen)

Cornelia Oncioiu (Olga Olsen) et Adrien Mathonat (Carl Olsen)

Le dispositif scénique est constitué de la fosse d’orchestre entourée de balustrades autour desquelles les chanteurs jouent des scènes vivantes et sensibles au milieu des spectateurs répartis de part et d’autre sur les gradins de l’amphithéâtre principal, ainsi que sur une estrade plus réduite placée en face à face.

Tout au long de la représentation, le son laqué de l’orchestre constitué de musiciens de l’Académie et de musiciens de l’Orchestre Atelier Ostinato, une formation de jeunes artistes de 18 à 25 ans, est très bien unifié, débordant d’un vrai lyrisme puccinien et d’un doux entrain dans les passages jazzy en apparence nonchalants. Pianiste, compositrice et directrice musicale, Yshani Perinpanayagam insuffle une énergie profonde, et même un dramatisme romantique dès l’ouverture, qui s’équilibre très bien avec la partie chantée, rehaussée par des micros pour assurer une proximité quel que soit le placement de l’auditeur.

Lindsay Atherton (Mae Jones) et Ted Huffman

Lindsay Atherton (Mae Jones) et Ted Huffman

Ted Huffman, jeune metteur en scène new-yorkais que beaucoup de théâtres internationaux, mais aussi français, connaissent depuis une douzaine d’années, travaille le rendu psychologique des personnages afin de faire ressortir leur état d’esprit et leur condition sociale par leurs tenues contemporaines et ordinaires, mais aussi par leurs manières d’être.

Il évite de faire prendre aux chanteurs une tonalité trop mélodramatique, et montre surtout une vrai envie de faire ressentir qu’ils sont tous liés par une force symbolisée par l’orchestre central, le point de rencontre vers lequel ils reviennent toujours après qu’ils se soient retirés momentanément à travers les gradins.

Teona Todua (Rose Maurrant)

Teona Todua (Rose Maurrant)

Dans cette production, tous les artistes sont très jeunes, ce qui permet également d’entendre des voix d’une belle homogénéité même pour les personnages censés être bien plus âgés.

La soprano polonaise Margarita Polonskaya, en Anna Maurrant - une femme mariée qui entretient une relation avec le laitier, Mr Sankey, incarné par Teddy Chawa, un acteur qui est apparu récemment dans deux pièces de Tiphaine Raffier, ‘La réponse des hommes’ et ‘France fantôme’ -, possède déjà d’impressionnantes qualités lyriques avec une voix profonde, chargée d’intensité, qui évoquent couleurs et les vibrations de la soprano bulgare Krassimira Stoyanova.

Originaire de Donetsk, Teona Todua brosse le portrait de Rose, la fille d’Anna Maurrant, avec un jeu et un chant d’une fine émotivité, vêtue du rouge de la vie et de la passion au début, puis de noir en seconde partie lorsque s’annonce le drame passionnel qui aboutira au meurtre soudain de sa mère par son père jaloux.

Kevin Punnackal (Sam Kaplan)

Kevin Punnackal (Sam Kaplan)

Sa relation avec le jeune Sam Kaplan est le cœur palpitant de l’œuvre, car se pose en permanence la question de ce qu’elle éprouve confusément pour lui, et si elle le prend au sérieux. 

Le ténor indo-américain Kevin Punnackal dévoue au rôle de Sam Kaplan un charme vocal doux et boisé idéal pour exprimer une vraie maturité romantique, et la chaleur qu’il communique à l’audience se démarque de l’ambiance générale d’autant plus que Kurt Weill lui confie les pages les plus exaltées de l’ouvrage. 

Seray Pinar (Emma Jones)

Seray Pinar (Emma Jones)

Tous les caractères sont ainsi bien très bien dessinés et différenciés en terme de couleurs, que ce soit la noirceur bienveillante d’Adrien Mathonat en Carl Olsen, dont la femme est jouée avec naturel et familiarité par une ancienne de l’Atelier lyrique, Cornelia Oncioiu, ou bien la pétillance impertinente de Seray Pinar, très à l’aise dans le jeu social qu’elle entend animer, ou bien le sinistre Frank Maurrant dont Ihor Mostovoi exprime toutes les rancœurs hargneuses qui le mènent à la déchéance, puis au crime.

Et rodé à la comédie musicale – il intervenait récemment dans ‘Moulin Rouge’, le Musical, à Londres -, l’acteur Robson Broad joue de son jeune physique musclé pour interpréter un Dick McGann dragueur et joueur avec un brillant très nettement affiché.

Robson Broad (Dick McGann)

Robson Broad (Dick McGann)

Grand succès au final pour l’ensemble de l’équipe artistique qui réussit à rendre ce spectacle stimulant alors qu’il est joué sans décors, ce qui accentue la charge vitale de chacun des chanteurs et permet un échange d’énergie assez fort avec le public.

Street Scenes (d’après Kurt Weill - Académie de l’Opéra de Paris ) MC93

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Publié le 25 Mars 2024

Présentation de la saison Lyrique 2024 / 2025 de l’Opéra national de Paris
Le vendredi 22 mars 2024 à l’Hôtel Intercontinental Paris Le Grand

Présentation de la Saison Lyrique 2024 / 2025 de l’Opéra national de Paris

Depuis le mercredi 20 mars 2024 à 11h30, la quatrième saison d’Alexander Neef à la direction de l’Opéra national de Paris est officiellement dévoilée au grand public sur le site internet de l’institution, trois semaines après l’annonce de la reconduction du directeur général jusqu’en 2032, ce qui va permettre de renforcer l’institution dans son évolution programmatique et organisationnelle, de consolider sa relation à tous ses publics, et de forger en profondeur son identité propre.

La saison 2024 / 2025 comprend ainsi 3 nouvelles productions maison et 3 coproductions, dont 1 nouveauté pour le répertoire, et 12 reprises.

Aux 18 œuvres scéniques jouées dans les grandes salles, s’ajoute également une production de l’Académie de l’Opéra de Paris qui sera représentée à l’amphithéâtre Bastille

Au total, 187 représentations lyriques seront ainsi données, en parfaite stabilité par rapport aux deux précédentes saisons.

En effet, après une première saison qui ciblait près de 200 représentations lyriques, l’Opéra s’est recentré sur un calendrier d’un peu plus de 180 représentations lyriques hors spectacle de l’académie, et semble s’y tenir.

Jean-Yves Kaced (Directeur de l'AROP) et Alexander Neef (Directeur général de l'Opéra de Paris)

Jean-Yves Kaced (Directeur de l'AROP) et Alexander Neef (Directeur général de l'Opéra de Paris)

Et les nouvelles budgétaires sont très encourageantes, car le directeur général a annoncé pour 2023 un léger bénéfice de 2.3 M€, alors qu’un déficit de  – 10 M€ était initialement prévu. En lisant le rapport d’activité rendu public au même moment, on peut ainsi observer que si la billetterie s’est améliorée de 2 M€ grâce au passage d’une fréquentation de 86 % à 93 %, tous genres confondus, et ce malgré 2 M€ de pertes à cause des grèves, le mécénat a rapporté 6 M€ supplémentaires, et les activités commerciales 11 M€ de plus.

L’équilibre financier dépend donc surtout de ces deux derniers postes, les seuls à avoir un dynamisme capable de couvrir l’augmentation des frais de fonctionnement, la billetterie devant probablement se stabiliser autour de 70 M€.

Peter Sellars (mise en scène de 'Castor et Pollux')

Peter Sellars (mise en scène de 'Castor et Pollux')

Après ‘Œdipe’ de Georges Enesco, ‘Hamlet’ d’Ambroise Thomas, ‘Médée’ de Marc-Antoine Charpentier et ‘La Vestale’ de Gaspare Spontini, une autre pièce créée à l’Opéra de Paris et qui n’avait plus été jouée sur ses planches depuis 1940 sera de retour, ‘Castor et Pollux’ de Jean-Philippe Rameau, œuvre baroque dont la version révisée de 1754 fit partie des 5 titres les plus joués de l’Académie Royale de Musique jusqu’à la Révolution.

Il s’agira d’un des immanquables de la saison, dont la conception scénique et musicale sera confiée à deux artistes, Peter Sellars et Teodor Currentzis, profondément liés à travers une collaboration qui, sous la direction de Gerard Mortier au Teatro Real de Madrid, a donné d’inoubliables productions ‘Iolanta/Perséphone’ de Tchaïkovski/Stravinsky en 2012, puis ‘The Indian Queen’ de Purcell en 2013.

Depuis, leur association s’est enrichie principalement au Festival de Salzbourg où ils ont mis en scène ‘Idomeneo’ et ‘La Clemenza di Tito’ de Mozart.

Présentation de la Saison Lyrique 2024 / 2025 de l’Opéra national de Paris

Cette saison sera aussi l’occasion de célébrer les 150 ans de l’ouverture du Palais Garnier, le 05 janvier 1875, dont la construction fut initiée en 1861. Un gala mis en scène par Victoria Sitja, artiste de l’Académie de l’Opéra de Paris, dirigé par Thomas Hengelbrock, avec la participation de Ludovic Tézier et Lisette Oropesa, donnera le coup d’envoi de cet anniversaire qui sera marqué par plusieurs manifestations. 

Et après 6 ans d’absence, les récitals vocaux sont de retour avec Benjamin Bernheim, Renée Fleming, Elīna Garanča, et Natalie Dessay qui en profitera pour fêter ses 60 ans.

Et comme chaque année, les équipes de communication de l’Opéra de Paris ont préparé un ensemble d’interviews de metteurs en scène, Wajdi Mouawad, Peter Sellars, Barrie Kosky …, de musiciens, Pascal Dusapin, de solistes, Natalie Dessay, Benjamin Bernheim …, pour partager avec le public leur rapport aux œuvres présentées.

Alexander Neef, Jean-Yves Kaced, Clara Mousseigne, Antonio Conforti, Inès McIntosh, Margarita Polonskaya et Thomas Ricart

Alexander Neef, Jean-Yves Kaced, Clara Mousseigne, Antonio Conforti, Inès McIntosh, Margarita Polonskaya et Thomas Ricart

Enfin, à l'occasion de la présentation au Grand Hôtel, les lauréats des prix de l'AROP 2022/2023 ont été récompensés en personnes, Clara Mousseigne, Antonio Conforti et Inès McIntosh pour les Prix de la Danse, Margarita Polonskaya, Thomas Ricart pour les Prix Lyriques.

Barrie Kosky (mise en scène des 'Brigands')

Barrie Kosky (mise en scène des 'Brigands')

Les nouvelles productions

Les Brigands (Jacques Offenbach – 1869) – Nouvelle production
Du 21 septembre au 12 octobre 2024 puis du 26 juin au 12 juillet 2025 (17 représentations au Palais Garnier)

Direction musicale Stefano Montanari / Michele Spotti, mise en scène Barrie Kosky
Marcel Beekmann, Marie Perbost, Antoinette Dennefeld, Yann Beuron, Laurent Naouri, Mathias Vidal, Philippe Talbot, Adriana Bignagni Lesca, Eugénie Joneau, Leonardo Cortellazzi, Éric Huchet, Franck Leguérinel, Ilanah Lobel-Torres, Héloïse Poulet, Clara Guillon, Maria Warenberg, Doris Lamprecht, Hélène Schneiderman, Luis Felipe Sousa, Marine Chagnon
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 12 janvier 1994

C’est au Théâtre des Variétés, où seront jouées les premières de la plupart des opérettes d’Offenbach, ‘La belle Hélène’ (1864), ‘Barbe-Bleue’ (1866), ‘La Grande Duchesse de Gerolstein’ (1867), ‘La Perichole’ (1868), et la seconde version de ‘La vie parisienne’ (1873), tous écrits sur les livrets de Meilhac et Ludovic Halévy, que sera créé en 1869 ‘Les Brigands’
L’œuvre connaîtra 107 représentations jusqu’à la guerre de 1870 qui balayera le Second Empire. Une seconde version sera ensuite créée pour le Théâtre de la Gaîté en 1878. 
Le brigandage y est présenté comme l’un des moteurs de la société.

‘Les Brigands’ fit bien plus tard son entrée réussie au répertoire de l’Opéra Comique, le 13 juin 1931, puis à l’Opéra de Paris le 3 décembre 1993 dans une production de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff donnée à l’Opéra Bastille pour 19 représentations, auxquelles participait déjà Doris Lamprecht dans le rôle de Fragoletto.

La nouvelle production de 2024 est confiée à Barrie Kosky qui a monté un ‘Orphée aux Enfers’ décapant au festival de Salzburg en 2019, entouré par son équipe de danseurs hors-pair pour induire un art du mouvement irrésistiblement entraînant.


Castor et Pollux (Jean-Philippe Rameau – 1737) Nouvelle production
Du 20 janvier au 23 février 2025 (12 représentations au Palais Garnier)

Direction musicale Teodor Currentzis, Orchestre et Choeur Utopia, mise en scène Peter Sellars
Jeanine De Bique, Stéphanie d’Oustrac, Reinoud Van Mechelen, Marc Mauillon, Claire Antoine, Laurence Kilsby
Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 26 octobre 1940

Héros antiques des poèmes d’Homère et d’Hésiode, Castor et Pollux ont inspiré à Jean-Philippe Rameau un de ses chefs-d’œuvre incontesté pour sa puissance dramatique et l’absence de faiblesse.

La première version, créée au Théâtre du Palais Royal en 1737, eut un succès d’estime, mais la version révisée de 1754, qui supprime le prologue (une commémoration de la fin de la Guerre de Succession de Pologne), réécrit le premier acte et raccourcit les récitatifs, fut jouée en continu jusqu’en 1785. 

Puis, après 133 ans d’absence, l’ouvrage réapparut au Palais Garnier en 1918, dans une mise en scène de Jacques Rouché, qui sera reprise jusqu’au 26 octobre 1940.

Teodor Currentzis, qui a édité en 2014 un album intitulé ‘The sound of light’ pour célébrer les 250 ans de la disparition de Jean-Philippe Rameau, revient après 15 ans d’absence à l’Opéra de Paris pour y retrouver à la mise en scène son complice, Peter Sellars, et faire revivre la première version de l’ouvrage.

Ching-Lien Wu - cheffe de chœur

Ching-Lien Wu - cheffe de chœur

L’Or du Rhin (Richard Wagner – 1869) Nouvelle production
Du 29 janvier au 19 février 2025 (7 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Pablo Heras-Casado, mise en scène Calixto Bieito
Ludovic Tézier, Florent Mbia, Matthew Cairns, Simon O'Neill, Kwangchul Youn, Mika Kares, Brian Mulligan, Gerhard , Eve-Maud Hubeaux, Eliza Boom, Marie-Nicole Lemieux, Margarita Polonskaya, Isabel Signoret, Katharina Magiera
Œuvre jouée en public pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 18 juin 2013

Il s’agit d’un spectacle qui aurait du connaître sa première le 02 avril 2020, le prologue du nouveau cycle du Ring conçu par Calixto Bieito va donc être présenté à l’hiver prochain, et les 3 journées ‘La Walkyrie’, ‘Siegfried’ et ‘Le Crépuscule des Dieux’ suivront au cours des saisons 2025/2026 et 2026/2027, avant que deux cycles complets ne concluent la célébration des 150 ans de la présentation intégrale de ‘L’Anneau du Nibelung’ au Festival de Bayreuth en août 1876.

Le baryton toulousain Ludovic Tézier y fera une très attendue prise de rôle de Wotan auprès de Marie-Nicole Lemieux et Eve-Maud Hubeaux, sous la direction de Pablo Heras-Casado qui a emmené récemment l’orchestre du Teatro Real de Madrid à son meilleur pour offrir au public madrilène un Ring d’une grande force, et qui vient de faire ses débuts à Bayreuth en 2023 dans la nouvelle production de ‘Parsifal’.

 

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy – 1902) Coproduction Abu Dhabi Festival
Du 28 février au 27 mars 2025 (9 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Antonello Manacorda, mise en scène Wajdi Mouawad
Sabine Devieilhe, Huw Montague Rendall, Gordon Bintner, Jean Teitgen, Sophie Koch, Amin Ahangaran
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 06 octobre 2017

Auteur, en septembre 2021, d’une mise en scène d’’Œdipe’ à l’opéra Bastille qui remporta le Grand prix du Syndicat de la critique, Wajdi Mouawad revient à l’Opéra de Paris pour renouveler la vision onirique et glacée de ‘Pelléas et Mélisande‘ que Robert Wilson a offert au public parisien pendant plus de 20 ans.

Créé en 1902 à l’Opéra Comique, le chef d’œuvre lyrique de Claude Debussy fait désormais partie des 20 grands titres de l’institution, et il s’agit de la première coproduction de l’institution avec l’Abu Dhabi Festival.

Le baryton britannique Huw Montague Rendall, excellent Mercutio dans ‘Roméo et Juliette’ de Charles Gounod la saison passée, reprend le rôle de Pelléas qu’il a abordé à Rouen en 2021, auprès de Sabine Devieilhe qui est désormais familière du personnage de Mélisande depuis une dizaine d’années.

Pascal Dusapin (compositeur de 'Il Viaggio, Dante')

Pascal Dusapin (compositeur de 'Il Viaggio, Dante')

Il Viaggio, Dante (Pascal Dusapin – 2022) Coproduction Festival d’Aix-en-Provence, Saarländisches Staatstheater Sarbrücken, Théâtres de la ville de Luxembourg
Du 21 mars au 9 avril 2025 (6 représentations au Palais Garnier)
Direction musicale Kent Nagano, mise en scène Claus Guth
Bo Skovhus, David Leigh, Christel Loetzsch, Jennifer France, Danae Kontora, Dominique Visse, Giacomo Prestia
Entrée au répertoire

Onzième opéra de Pascal Dusapin basé sur la ‘Divine Comédie’ de Dante, cette commande conjointe avec le Festival d’Aix-en-Provence explore l’œuvre du poète florentin à travers le dialogue entre deux ‘Dante’.
Comme à Aix, Kent Nagano en assurera la direction musicale, dans une mise en scène de Claus Guth qui en sera déjà à sa sixième production à l’Opéra de Paris.

Il Trittico (Giacomo Puccini – 1918) Coproduction Salzburger Festspiele
Du 29 avril au 25 mai 2025 (10 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Carlo Rizzi, mise en scène Christof Loy
Asmik Grigorian, Misha Kiria, Enkelejda Shkoza, Alexey Neklyudov, Dean Power, Lavinia Bini, Manel Esteve Madrid, Scott Wilde, Iurii Samoilov, Theresa Kronthaler, Vartan Gabrielian, Roman Burdenko, Joshua Guerrero, Ilanah Lobel-Torres, Chae-Hoon Baek, Pranvera Lehnert Ciko, Karita Mattila, Hanna Schwarz, Margarita Polonskaya, Daryl Freedman, Matteo Peirone, Andrea Giovannini, Maria Warenberg, Camille Chopin, Lisa Chaïb-Auriol, Silga Tiruma, Sophie Van de Woestyne

Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 27 octobre 2010

Puccini avait eu l’idée de constituer un triptyque de trois sujets issus de la 'Divine Comédie' de Dante.
Finalement, seul ‘Gianni Schicchi’ en sera inspiré, mais ces trois ouvrages traitent de la difficulté de la vie sur Terre, qui ressemble parfois à l’Enfer ou au Paradis qui est censé nous attendre.

Pour cette nouvelle production créée au Festival de Salzbourg en 2022, l’ordre des œuvres est cependant modifié afin de commencer par la plus légère, ‘Gianni Schicchi’, et s’achever sur ‘Suor Angelica’, la plus forte.

Asmik Grigorian, soprano lituanienne et véritable star en Autriche, fera ses débuts à l’Opéra de Paris, à l’instar de Christof Loy qui a déjà derrière lui un quart de siècle de travail de mise en scène dans toute l’Europe.

Asmik Grigorian ('Il Trittico')

Asmik Grigorian ('Il Trittico')

Les reprises


Falstaff (Giuseppe Verdi – 1893)
Du 10 septembre au 30 septembre 2024 (7 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Michael Schønwandt, mise en scène Dominique Pitoiset (1999)
Ambrogio Maestri, Olivia Boen, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Andrei Kymach, Gregory Bonfatti, Marie-Nicole Lemieux, Iván Ayón-Rivas, Federica Guida, Nicholas Jones, Alessio Cacciamani
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 16 novembre 2017

Madame Butterfly (Giacomo Puccini – 1904)
Du 14 septembre au 25 octobre 2024 (13 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Speranza Scappucci, mise en scène Robert Wilson (1993)
Eleonora Buratto, Elena Stikhina, Aude Extrémo, Stefan pop, Christopher Maltman, Carlo Bosi, Andres Cascante, Vartan Gabrielian, Marine Chagnon, Kim Youngwoo, Bernard Arrieta, Hyunsik Zee, Marianne Chandelier, Liliana Faraon, Stéphanie Loris
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 13 novembre 2019

Faust (Charles Gounod – 1859 1ère version – 1869 version de l’Opéra de Paris)
Du 26 septembre au 18 octobre 2024 (8 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Emmanuel Villaume, mise en scène Tobias Kratzer (2021)
Pene Pati, Alex Esposito, John Relyea, Florian Sempey, Amina Edris , Marina Viotti, Sylvie Brunet-Grupposo
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 13 juillet 2022

La Fille du Régiment (Gaetano Donizetti – 1840) Production Metropolitan Opera, New-York, Royal Opera House Covent Garden, Londres, Staatsoper, Vienne
Du 17 octobre au 20 novembre 2024 (12 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Evelino Pidò, mise en scène Laurent Pelly (2012)
Julie Fuchs, Lawrence Brownlee, Lionel Lhote, Susan Graham, Florent Mbia, Felicity Lott, Cyrille Lovighi, Mikhail Silant’ev
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 11 novembre 2012

The Rake's Progress (mise en scène Olivier Py)

The Rake's Progress (mise en scène Olivier Py)

La Flûte enchantée (Wolfgang Amadé Mozart – 1791) Coproduction Festspielhaus, Baden-Baden
Du 02 au 23 novembre 2024 (10 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Oksana Lyniv, mise en scène Robert Carsen (2014)
Pavol Breslik, Nikola Hillebrand, Aleksandra Olczyk, Jean Teitgen, Mathias Vidal, Mikhail Timoshenko, Ilanah Lobel-Torres, Nicolas Cavallier, Margarita Polonskaya, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Claudia Huckle, Niall, Nicholas Jones
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 19 novembre 2022

The Rake’s Progress (Igor Stravinsky – 1951)
Du 30 novembre au 23 décembre 2024 (7 représentations au Palais Garnier)

Direction musicale Susanna Mälkki, mise en scène Olivier Py (2008)
Ben Bliss, Iain Paterson, Clive Bayley, Golda Schultz, Justina Gringytė, Jamie Barton, Rupert Charlesworth, Vartan Gabrielian
Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 30 octobre 2012

Rigoletto (Giuseppe Verdi – 1851)
Du 01 au 24 décembre 2024 et du 10 mai au 12 juin 2025 (18 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Domingo Hindoyan / Andrea Battistoni, mise en scène Claus Guth (2016)
Roman Burdenko, George Gagnidze, Rosa Feola, Slávka Zámečníková, Liparit Avetisyan, Dmitry Korchak, Goderdzi Janelidze, Alexander Tsymbalyuk, Aude Extrémo, Justina Gringytė, Marine Chagnon, Seray Pinar, Blake Denson, Daniel Giulianini, Florent Mbia, Kevin Punnackal, Teona Todua, Amin Ahangaran, Julien Joguet, Fabio Bellenghi, Henri Bernard Guizirian, Sofia Anisimova
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 24 novembre 2021

La Petite Renarde rusée (Leoš Janáček – 1924)
Du 15 janvier au 01 février 2025 (6 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Juraj Valčuha, mise en scène André Engel (2008)
Elena Tsallagova, Paula Murrihy, Iain Paterson, Éric Huchet, Frédéric Caton, Milan Siljanov, Maria Warenberg, Se-Jin Hwang, Anne-Sophie Ducret, Rocio Ruiz Cobarro, Irina Kopylova, Marie-Cécile Chevassus, Slawomir Szychowiak, Marie Gautrot
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 12 juillet 2010

Krzysztof Warlikowski, Marina Rebeka, Simone Young - 'Don Carlos'

Krzysztof Warlikowski, Marina Rebeka, Simone Young - 'Don Carlos'

Les Puritains (Vincenzo Bellini – 1835)
Du 06 février au 05 mars 2025 (10 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Corrado Rovaris, mise en scène Laurent Pelly (2013)
Lisette Oropesa, Lawrence Brownlee, Andrei Kymach, Roberto Tagliavini, Vartan Gabrielian, Nicholas Jones, Maria Warenberg
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 05 octobre 2019

Don Carlos (Giuseppe Verdi – 1867)
Du 29 mars au 25 avril 2025 (8 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Simone Young, mise en scène Krzysztof Warlikowski (2017)
Charles Castronovo, Marina Rebeka, Christian Van Horn, Ekaterina Gubanova, Andrzej Filończyk, Alexander Tsymbalyuk, Sava Vemić, Marine Chagnon, Teona Todua, Kevin Punnackal, Hyun-Jong Roh, Christian Rodrigue Moungoungou, Amin Ahangaran, Niall Anderson, Alejandro Baliñas Vieites, Vartan Gabrielian, Florent Mbia, Milan Perišić
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 23 novembre 2019

Manon (Jules Massenet – 1884)
Du 26 mai au 20 juin 2025 (9 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Pierre Dumoussaud, mise en scène Vincent Huguet (2020)
Nadine Sierra, Amina Edris, Benjamin Bernheim, Roberto Alagna, Andrzej Filończyk, Nicolas Cavallier, Nicholas Jones, Régis Mengus, Ilanah Lobel-Torres, Marine Chagnon, Maria Warenberg, Philippe Rouillon, Laurent Laberdesque, Olivier Ayault
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 26 février 2022

Le Barbier de Séville (Gioacchino Rossini – 1816)
Du 10 juin au 13 juillet 2025 (12 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Diego Matheuz, mise en scène Damiano Michieletto (2014)
Isabel Leonard, Aigul Akhmetshina, Mattia Olivieri, Levy Sekgapane, Carlo Lepore, Luca Pisaroni, Andres Cascante, Margarita Polonskaya, Jian-Hong Zhao
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 19 juin 2022

L’isola disabitata (Joseph Haydn - 1779)

L’isola disabitata (Joseph Haydn - 1779)

L’Académie de l’Opéra national de Paris

L’isola disabitata (Joseph Haydn - 1779)
Du 11 au 21 mars 2025 (6 représentations à l’amphithéâtre Bastille)

Direction musicale François López-Ferrer, mise en scène Simon Valastro
Artistes en résidence à l’Académie
Œuvre inédite à l’Opéra national de Paris

Les opéras de Joseph Haydn sont jusqu’à présent totalement absents du répertoire de l’Opéra de Paris.
Les artistes de l’Académie de l’Opéra national de Paris vont donc présenter une version de ‘L’isola disabitata’, un opéra composé en 1779 dont l’une des caractéristiques est que les récitatifs sont tous accompagnés à l’orchestre.

La salle de l'Opéra Bastille - Représentation de 'La Traviata' du 16 février 2024

La salle de l'Opéra Bastille - Représentation de 'La Traviata' du 16 février 2024

Premières impressions sur la saison 2024/2025

Avec 6 nouvelles productions dans les grandes salles, cette programmation se veut un peu plus prudente tout en assurant un renouvellement des œuvres conséquent en comparaison de ce que proposent les autres grandes maisons internationales (6 nouvelles productions au MET de New-York et 7 nouvelles productions à l’Opéra d’État de Bavière).

Par ailleurs, 16 des 20 titres les plus joués de l’Opéra de Paris ont connu une nouvelle production ces 10 dernières années, dont 13 sous Stéphane Lissner, ce qui signifie qu’Alexander Neef peut se consacrer principalement au développement de visions neuves sur des ouvrages moins fréquemment représentés.

On peut également remarquer que sur les 18 titres programmés, 8 n’ont pas été joués au cours des 10 dernières années (‘Castor et Pollux’, ‘La Fille du Régiment’, ‘Les Brigands’, ‘L’Or du Rhin’, ‘Il Trittico’, ‘La Petite Renarde rusée’, ‘The Rake’s Progress’, ‘Il Viaggio, Dante’), ce qui est une proportion élevée, car, depuis l’ouverture de Bastille, il est rare qu’une saison comporte plus de 8 titres absents de la dernière décennie.

La saison 2024/2025 comprend cependant une seule entrée au répertoire mais fort signifiante, celle de ‘Il Viaggio, Dante’, en langue italienne, qui signe le retour du compositeur français Pascal Dusapin à l’Opéra de Paris après plus de vingt ans d’absence, et s’y ajoute le retour au répertoire de ‘Castor et Pollux’, œuvre créée au sein de l’institution en 1737, et qui n’y était plus apparue depuis 1940.

Présentation de la Saison Lyrique 2024 / 2025 de l’Opéra national de Paris

Mais le fait majeur de cette saison est qu'avec 7 ouvrages programmés, la langue française va occuper plus de 40% des soirées, et ce depuis la période baroque (Castor et Pollux) à l’après Wagner (Pelléas et Mélisande), en passant par le genre du grand opéra français (Don Carlos, dans la version originale des répétitions parisiennes de 1866), une prépondérance de la langue de Molière qui n’avait plus été observée depuis la saison 1992/1993 de Pierre Bergé aux débuts de l’opéra Bastille.

Il s'agit clairement pour Alexander Neef d'assoir l'identité propre de l'Opéra de Paris en rappelant son histoire tout en lui attachant une programmation originale.

Teodor Currentzis et Peter Sellars

Teodor Currentzis et Peter Sellars

Le répertoire des compositeurs italiens du XIXe siècle représente un autre socle important avec 40% de la programmation également, en s’appuyant sur Rossini, Bellini, Verdi et Puccini, ce qui est la part habituelle dans toutes les grandes maisons de répertoire, y compris à Munich où Serge Dorny privilégie pourtant les œuvres des XXe et XXIe siècles.

Et à nouveau, un titre chanté en anglais, ‘The Rake’s Progress’, prolonge cette ligne d’opéras anglo-saxons (Igor Stravinsky fut naturalisé américain en 1945) qu’Alexander Neef tisse patiemment depuis le début de son mandat, ce qu’aucun autre directeur n’avait profilé jusqu’à présent.

Mais à l’instar de cette saison, le répertoire slave reste peu représenté, et c’est avec beaucoup d’attention que l’on va suivre la reprise de ‘La Petite Renarde rusée’ de Leoš Janáček qui bénéficie d’une tarification très attractive, et qui pourrait créer la surprise de la même manière que ‘Cendrillon’  pour laquelle il était difficile de trouver une place.

Benjamin Bernheim, Renée Fleming, Natalie Dessay, Elīna Garanča

Benjamin Bernheim, Renée Fleming, Natalie Dessay, Elīna Garanča

Après l’entrée en fanfare de metteurs en scène féminins, Netia Jones, Lydia Steier, Valentina Carrasco et Deborah Warner, au cours de ses deux premières saisons, Alexander Neef n’invite cette fois qu’un seul nouveau metteur en scène, Christof Loy, bien connu partout ailleurs en Europe.

Et dans l’attente de connaître qui sera le futur directeur musical de l’Opéra national de Paris, de nouveaux chefs d’orchestre sont invités dans la fosse, Andrea Battistoni et Domingo Hindoyan (Rigoletto), Oksana Lyniv (La Flûte enchantée), Corrado Rovaris (Les Puritains), et Juraj Valčuha (La Petite Renarde rusée).

Comme chaque année, nombre d’artistes francophones sont par ailleurs invités, Marie Perbost, Antoinette Dennefeld, Yann Beuron, Laurent Naouri, Mathias Vidal, Philippe Talbot, Doris Lamprecht, Stéphanie d’Oustrac, Reinoud Van Mechelen, Marc Mauillon, Claire Antoine, Ludovic Tézier, Eve-Maud Hubeaux, Marie-Nicole Lemieux, Sabine Devieilhe, Jean Teitgen, Sophie Koch, Dominique Visse, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Florian Sempey, Sylvie Brunet-Grupposo, Julie Fuchs, Nicolas Cavallier, Frédéric Caton, Benjamin Bernheim, Roberto Alagna, Philippe Rouillon ..., auxquels s’ajoutent plusieurs artistes du chœur tels Julien Joquet, Laurent Laberdesque, Anne-Sophie Ducret, Rodrigue Moungoungou ...

Quant à la troupe lyrique de l’Opéra de Paris, composée en 2023 d’Alejandro Baliñas Vieites, Maciej Kwaśnikowski, Ilanah Lobel-Torres, Marine Chagnon, Nicholas Jones, Florent Mbia et Emy Gazeilles, elle s’enrichit en 2024 d’Amin Ahangaran et Maria Warenberg.

Evolution du prix des places pour le lyrique à Bastille de 1998/1999 à 2024/2025

Evolution du prix des places pour le lyrique à Bastille de 1998/1999 à 2024/2025

Les tarifs 2024/2025

Les tarifs de cette saison pour le lyrique à Bastille sont globalement en baisse de 3% car il y a deux fois moins de places à 220 € (optima) du fait que seuls l’’Or du Rhin’ et ‘Il Trittico’ sont classés dans la grille la plus élevée (15 à 220 €), bien qu'une augmentation de 6% soit appliquée sur les places de 35 à 70 € - il faut dire que la saison précédente les prix de ces places étaient restés inchangés -.

Par ailleurs, et à l'instar de la saison 2023/2024, toutes les autres productions, hormis 'La Flûte enchantée', bénéficient de déclassements de certaines places du parterre et des balcons par rapport au plan de salle de référence  - 600 places par soir sont concernées -, ce qui revient à réduire le prix de vente des places en moyenne de 3,5%. Cependant, la seconde série de 'Rigoletto', de mai à juin 2025, bénéficie d'un nombre supplémentaire de déclassements - la moitié des places baisse d'une catégorie -, ce qui réduit son prix moyen de 7% supplémentaires.

Et l’on retrouve à nouveau, comme chaque saison, deux spectacles à petits prix à Bastille, ‘I Puritani’ et ‘La Petite Renarde rusée’, avec un prix moyen de 90 euros pour le premier, et un prix moyen de 55 euros pour le second (soit 1500 places à 45 euros ou moins, et toutes les places optima à moins de 100 €). Ces deux spectacles représentent 10% des soirées, mais portent 30% des places à moins de 60 euros de la saison pour le lyrique à Bastille.

Cette politique tarifaire montre que l’Opéra de Paris maîtrise bien l'enveloppe des prix de manière à préserver son attractivité tout en cherchant à maintenir un volume de billetterie qui puisse couvrir un budget de 70 M€.

Présentation de la Saison Lyrique 2024 / 2025 de l’Opéra national de Paris

Le détail de la saison lyrique et chorégraphique 2024 / 2025 de l'Opéra national de Paris est accessible sous le lien suivant : Programmation & Billets - Opéra national de Paris (operadeparis.fr)

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Publié le 22 Mars 2024

Simon Boccanegra (Giuseppe Verdi – La Fenice de Venise, le 12 mars 1857, puis seconde version à La Scala de Milan, le 24 mars 1881)
Répétition générale du 8 mars et représentation du 19 mars 2024
Opéra Bastille

Simon Boccanegra Ludovic Tézier
Maria Boccanegra Nicole Car
Jacopo Fiesco Mika Kares
Gabriele Adorno Charles Castronovo
Paolo Albiani Étienne Dupuis
Pietro Alejandro Baliñas Vieites
Un capitano dei Balestrieri Paolo Bondi
Un’ ancella di Amelia Marianne Chandelier
Maria Fiesco, rôle muet Annie Lockerbie Newton

Direction musicale Thomas Hengelbrock
Mise en scène Calixto Bieito (2018)

La reprise de la production de ‘Simon Boccanegra’ dans la mise en scène de Calixto Bieito, la quatrième à l’Opéra de Paris après celles de Giorgio Strehler, Nicolas Brieger et Johan Simons, permet de se confronter à nouveau à la force d’un théâtre psychique dont la forme dramatique vise à faire ressentir les souffrances que subit le corsaire génois devenu, en 1339, le premier Doge à vie.

Ludovic Tézier (Simon Boccanegra)

Ludovic Tézier (Simon Boccanegra)

Cette approche qui ne vise pas à raconter de manière descriptive la portée au pouvoir par le peuple, puis la redoutable conspiration menée par Paolo, déroute forcément une partie du public traditionnel attaché à la représentation fastueuse d’un XIVe siècle révolu, alors qu’elle cherche en réalité à produire des images qui touchent la sensibilité du spectateur pour le faire réagir à cette violence, ce qui est le contraire d’un théâtre élitiste.

Simon Boccanegra - mise en scène Calixto Bieito

Simon Boccanegra - mise en scène Calixto Bieito

Le décor unique axé sur un vaisseau spectaculaire, fantomatique et squelettique, les entrailles à ciel ouvert, tourne selon les scènes sous des éclairages savamment réglés pour créer des jeux d’ombres angoissants, et nous enferme dans l’univers mental de Simon Boccanegra, dépressif et qui court à la mort.

Le visage de Ludovic Tézier est ainsi projeté en arrière scène, et les lignes du navire semblent étudiées pour épouser ses traits. L’esthétique des plans vidéo filmés en temps réel ajoute au relief visuel tout en dégageant une beauté triste et froide.

Nicole Car (Maria Boccanegra)

Nicole Car (Maria Boccanegra)

Mais pour que l’ambiance prenne, il faut aussi une réalisation orchestrale qui ait une véritable puissance dramatique, et la surprise provient de la direction de Thomas Hengelbrock, nouveau directeur musical de l’Orchestre de Chambre de Paris depuis janvier 2024 et chef absolument inattendu dans ce répertoire verdien, lui qui est surtout associé aux périodes classique et baroque.

En terme de coloration, il avive beaucoup le brillant des cordes qui évoque des scintillements marins, et laisse se dégager avec poésie et souplesse de geste les petites touches des vents qui expriment une mélancolie prégnante. Sa lecture est vive et d’une énergie théâtrale efficace dénuée d’effets par trop fracassants, et il enrichit le flux des cordes de mélismes complexes et très expressifs dans l’esprit névrotique de la production, tout en laissant aussi se poser une lenteur crépusculaire pour faire entendre un vague à l’âme noir et diffus qui s’immisce de façon inconsciente à la perception de l’auditeur.

Étienne Dupuis (Paolo Albiani)

Étienne Dupuis (Paolo Albiani)

Ainsi, stupéfiants sont les applaudissements de la salle dès la fin du premier air de Fiesco, un homme issu d’une famille qui soutient le Pape, regardant de haut le corps de sa fille horriblement torturée pour avoir aimé Simon Boccanegra, un partisan de l’Empereur, applaudissements aussi bien justifiés par la poignante noblesse avec laquelle Mika Kares fait ressortir la monstruosité de cet ennemi à vie du marin, que par l’atmosphère happante de l’interprétation orchestrale.

D’ailleurs, ce monde sans pitié qui est décrit doit beaucoup à la qualité des interprètes masculins qui, chacun à leur manière, font ressentir toute absence d’espoir possible.

Charles Castronovo (Gabriele Adorno)

Charles Castronovo (Gabriele Adorno)

Étienne Dupuis est par exemple saisissant dans ce personnage malsain et maladif qui couve en Paolo Albiani, grimé de façon à lui donner l’aspect d’un vieux bandit sur la fin, et d’une intégrité de timbre de belle allure malgré tout, et Ludovic Tézier, faisant résonner une assise grave fort impressionnante va, lui, jouer sur les nuances pour révéler des pensées caressantes, ou bien suggérer envers Paolo des sentiments méfiants, après le soulèvement du peuple, d’une manière qui fait entendre un dialogue intérieur où l’on sent poindre, déjà, le personnage shakespearien, calculateur et lucide, de Iago.

Ludovic Tézier (Simon Boccanegra) et Mika Kares (Jacopo Fiesco)

Ludovic Tézier (Simon Boccanegra) et Mika Kares (Jacopo Fiesco)

Son rôle est épisodique, mais chacune des interventions d’Alejandro Baliñas Vieites, artiste de la troupe de l’Opéra de Paris, sont dessinées avec justesse et un beau contraste, et Charles Castronovo, qui incarne Gabriele Adorno, fait entendre dans le médium des intonations très âpres, mais qui prennent de l’allure et de l’engagement volontaire dans les grands moments d’extériorisation.

Quand ce jeune rebelle réalise sa méprise en ayant cru à une liaison amoureuse entre Amélia et Simon, sa sincérité expressive dans les ombres du décor laisse ainsi l’audience totalement saisie par le cœur qui s’en dégage.

Ludovic Tézier, Nicole Car et Mika Kares

Ludovic Tézier, Nicole Car et Mika Kares

Et Nicole Car, qui est amenée à incarner une Amélia qui finira par porter les séquelles physiques laissées par la violence d’un peuple qui cherchait à travers elle à atteindre Simon, montre qu’elle a gagné en ampleur ces dernières années, et aussi en rondeur de timbre. Certes, la mise en scène décrit sans pitié l'écrasement des femmes par la mécanique machiste du pouvoir masculin, mais l'artiste australienne réussit à projeter un véritable cri de désespoir et donc un sentiment de révolte qui se ressent fortement.

Sa réaction un peu titubante lors de l’accueil chaleureux du public est par ailleurs très touchante.

Charles Castronovo, Nicole Car, Thomas Hengelbrock, Ludovic Tézier, Mika Kares et Étienne Dupuis

Charles Castronovo, Nicole Car, Thomas Hengelbrock, Ludovic Tézier, Mika Kares et Étienne Dupuis

Chœur massif qui donne une image de roc de ce peuple virulent, la dureté de cristal de cet autre protagoniste du drame est ici mise en lumière sans fard.

Cette reprise d’un grand relief laisse ainsi des sensations qui hantent ensuite l’esprit car tout concoure dans cette production à entraîner chacun dans le gouffre de l’âme humaine.

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Publié le 2 Mars 2024

The Exterminating Angel (Thomas Adès – Festival de Salzburg, 28 juillet 2016)
Livret de Tom Cairns, d’après le film éponyme de Luis Buñuel (1962)
Répétition du 24 février et représentations du 29 février et 09 mars 2024
Opéra Bastille

Lucia de Nobile Jacquelyn Stucker
Leticia Maynar Gloria Tronel
Leonora Palma Hilary Summers
Silvia de Avila Claudia Boyle
Blanca Delgado Christine Rice
Beatriz Amina Edris
Edmundo de Nobile Nicky Spence
Comte Raul Yebenes Frédéric Antoun
Colonel Álvaro Gómez Jarrett Ott
Francisco de Ávila Anthony Roth Costanzo
Eduardo Filipe Manu
Señor Russell Philippe Sly
Alberto Roc Paul Gay
Doctor Carlos Conde Clive Bayley
Julio Thomas Faulkner
Enrique Nicholas Jones
Pablo Andres Cascante
Meni Ilanah Lobel-Torres
Camila Bethany Horak-Hallett
Lucas Julien Henric
Padre Sanson Régis Mengus
Yoli Arthur Harmonic / Artiste de la Maîtrise des Hauts-de-Seine

Direction musicale Thomas Adès (du 26/02 au 09/03) / Robert Houssart (du 13/03 au 23/03)
Mise en scène Calixto Bieito (2024)
Nouvelle production (Entrée au répertoire)

Diffusion en direct sur Paris Opera Play, la Plateforme de l’Opéra national de Paris, le samedi 09 mars à 20h00, puis à compter du vendredi 22 mars sur Medici.TV
Diffusion sur France Musique le samedi 20 avril 2024 à 20h00 dans l’émission ‘Samedi à l’opéra’ présentée par Judith Chaine.

Créé au Festival de Salzbourg en 2016 dans une coproduction de Tom Cairns qui l’a amené à Toronto (2016), New-York (2017) et Copenhague (2018), ‘The Exterminating Angel’ est le troisième opéra de Thomas Adès

L'arrivée des hôtes et invités

L'arrivée des hôtes et invités

L’œuvre est basée sur le film de Luis Buñuel, ‘L’Ange Exterminateur’ (1962), qui se déroule dans les années 1960, au Mexique, après une représentation de l’opéra ‘Lucia di Lammermoor’, lorsque plusieurs couples de riches bourgeois, réunis dans une villa pour finir la soirée autour d’un dîner, se trouvent dans l’incapacité de sortir de la demeure.

Il s’agit d’une réflexion sur les barrières mentales, le conformisme, les artifices sociaux, et sur les travers d’une bourgeoisie, en apparence à l’aise, qui vont être révélés sous la pression d’un espace contraint.

Dans un contexte de ressentiment pour les riches drainé par certains mouvements extrémistes, ‘The Exterminating Angel’ apparaît donc comme un exutoire sans concession.

Claudia Boyle (Silvia), Filipe Manu (Eduardo), Anthony Roth Costanzo (Francisco), Clive Bayley (Le docteur) et Gloria Tronel (Leticia)

Claudia Boyle (Silvia), Filipe Manu (Eduardo), Anthony Roth Costanzo (Francisco), Clive Bayley (Le docteur) et Gloria Tronel (Leticia)

La production intégralement maison de cet opéra surréaliste, confiée au metteur en scène catalan Calixto Bieito qui est un grand admirateur du cinéaste aragonais, est donc la seconde au monde après celle montée par le librettiste, Tom Cairns, et est dirigée par Thomas Adès pour les premières représentations, puis par Robert Houssart qui avait assuré la première danoise en 2018.

Et pour mettre le spectateur dans l’ambiance, les sonneries des cloches se font entendre dans la salle Bastille pendant les 15 minutes qui précèdent le spectacle, manifestation malicieuse du metteur en scène au moment où le public rejoint ses places, et reflet mimétique des moutons se pressant à l’église dans la scène finale du film original.

Jacquelyn Stucker (Lucia de Nobile) et Christine Rice (Blanca Delgado)

Jacquelyn Stucker (Lucia de Nobile) et Christine Rice (Blanca Delgado)

Le rideau se lève sur une immense nef blanche, espace unique où va se dérouler toute l’action, donnant ainsi une dimension monumentale à l’espace de la salle à manger qui ne comprend aucun recoin pour se soustraire au regard d’autrui. L’ambiance est chic mais froide, et, dès lors, l’intimisme et les obscurités du film de Buñuel ne sont pas recréés.

Les différents couples peuvent donc être librement scrutés, et les comportements de chacun peuvent être suivis sans discontinuité. La grande table longitudinale, perpendiculaire à la salle, permet un défilé frontal des participants, et seul un piano est ajouté en fond de scène.

Gloria Tronel (Leticia Maynar) et Philippe Sly (Señor Russell)

Gloria Tronel (Leticia Maynar) et Philippe Sly (Señor Russell)

Calixto Bieito a soigneusement habillé les personnages avec goût et soin pour, par la suite, donner plus de force visuelle à leur déchéance spectaculaire.

La scène inaugurale fait intervenir des domestiques spasmodiques, Julio et Lucas, qui, sous les traits respectifs de Thomas Faulkner et Julien Henric d’une présence vocale bien accentuée, se préparent à fuir. Puis, leur succèdent Camilla et Meni, incarnées par Bethany Horak-Hallett et Ilanah Lobel-Torres, cette dernière affichant un dramatisme qui rappelle celui de Karine Deshayes à ses débuts.

Anthony Roth Costanzo (Francisco de Ávila) et Hilary Summers (Leonora Palma)

Anthony Roth Costanzo (Francisco de Ávila) et Hilary Summers (Leonora Palma)

La présentation des invités est marquée par la puissance percutante de Nicky Spence en Edmundo de Nobile, l’hôte principal qui finira par se proposer en sacrifice au final, et de Jacquelyn Stucker, qui va décrire tout au long de la soirée l’extraversion nymphomane de Lucia de Nobile avec un très beau galbe vocal, affûté et brillant. Son jeu décomplexé sera par ailleurs d’un primitivisme délirant jusqu’au-boutiste.

Claudia Boyle (Silvia), Anthony Roth Costanzo (Francisco), Hilary Summers (Leonora), Nicky Spence (Edmundo), Thomas Faulkner (Julio), Gloria Tronel (Leticia Maynar), Jarrett Ott (Le Colonel) et Paul Gay (Alberto)

Claudia Boyle (Silvia), Anthony Roth Costanzo (Francisco), Hilary Summers (Leonora), Nicky Spence (Edmundo), Thomas Faulkner (Julio), Gloria Tronel (Leticia Maynar), Jarrett Ott (Le Colonel) et Paul Gay (Alberto)

Et impossible d’être insensible à la voix extrêmement aiguë et surnaturelle de Gloria Tronel, absolument charmante. La soprano bordelaise, dont la mère est une artiste du chœur de l’opéra de Bordeaux, fait vivre Leticia Maynar avec une agilité facétieuse. L’étrangeté des sons qu’elle obtient résonne d’ailleurs avec les ondes Mathenot qui évoquent les voix fantomatiques de l’Ange exterminateur.

Amina Edris (Beatriz) et Filipe Manu (Eduardo)

Amina Edris (Beatriz) et Filipe Manu (Eduardo)

C’est en fait une véritable décomposition humaine qui se déroule sur scène à travers un jeu déjanté qui, parfaitement allié à la musique, a quelque chose d’enivrant à la vue de ces artistes qui se donnent à fond pour faire se déchaîner exultations vocales et comportements fortement débridés et difficiles à crédibiliser.

A travers cette déliquescence, Calixto Bieito montre comment la perte de repères et de dignité ramène chacun à une sexualité primaire, tous les protagonistes étant pris dans une spirale de l’angoisse qui les anéantit.

The Exterminating Angel (Stucker Tronel Spence Adès Bieito) Opéra de Paris

Le baryton américain Jarrett Ott, qui s’était fortement fait remarquer la saison dernière à l’Opéra Comique dans ‘Breaking the waves’, un opéra de Missy Mazzoli créé 2 mois seulement après ‘The Exterminating Angel’, est très impressionnant autant par sa caractérisation vocale très soutenue que par son engagement physique, lui qui doit jouer avec force le Colonel amant de Lucia.

Christine Rice et Frédéric Antoun, deux interprètes des créations salzbourgeoise (2016) et new-yorkaise (2017) de l’œuvre, se retrouvent pour cette nouvelle production, la mezzo anglaise imposant, elle aussi, une forte personnalité, le ténor québecois ayant plus naturellement tendance à garder de l’allure même quand il doit se montrer violent.

Clive Bayley (Le Docteur) et Jarrett Ott (Le Colonel)

Clive Bayley (Le Docteur) et Jarrett Ott (Le Colonel)

Les différents couples invités génèrent également des émotions très différentes, celui formé par le vieux docteur et Leonora - chanté par un Clive Bayley acéré et une Hilary Summers au timbre baillé et mélancolique - est sans doute le plus attendrissant, les jeunes fiancés un peu à part, incarnés par Amina Edris et Filipe Manu, obtiennent un magnifique duo ‘Fold your body’ avant de s’éteindre sous un beau jeu d’ombre à l’avant scène, mais le frère et la sœur de Ávila sont bien plus hystérisés, Anthony Roth Costanzo, contre-ténor nerveux et très percutant dans l’enceinte Bastille, poussant, en réalité, très loin la destructuration de sa personnalité, et Claudia Boyle lui donnant le change avant d'offrir une très touchante étreinte finale pour son enfant, Yoli, qu’elle ne peut atteindre.

Le metteur en scène rend plus claire la symbolique des moutons avec cet enfant qui se promène avec ses ballons en forme d’ovins, et la scène d'abattage des ovidés est adaptée pour faire surgir des murs des peaux de moutons dont se recouvriront les invités.

Arthur Harmonic, Claudia Boyle, Thomas Adès et Jacquelyn Stucker

Arthur Harmonic, Claudia Boyle, Thomas Adès et Jacquelyn Stucker

La musique de Thomas Adès est d’un foisonnement sonore étourdissant mais, surtout, comprend un discours dramaturgique puissant, le compositeur se révélant un chef d’orchestre d’un punch implacable. 

La violence peut atteindre des moments paroxysmiques d’une même brutalité qu’’Elektra’ de Richard Strauss - voir la scène d'escamotage du plancher pour trouver de l'eau -, des tensions menaçantes sont par ailleurs entretenues pour ne pas lâcher l’auditeur, mais s’adjoint aussi une virtuose et pétaradante évocation de l’exotisme mexicain, jouée avec la rythmique et l’éclat d’un Chostakovitch, et, malgré le désastre humain, une lueur de poésie peut surgir sous forme de mélopées sensibles.

L’énergie saisissante qui s’en dégage, faisant toujours corps avec les expressions chevillées-au-corps des chanteurs, induit au fur et à mesure de la soirée un sentiment de débordement excessif qui ne peut se vivre que dans les conditions de la représentation.

Ching-Lien Wu (Cheffe de choeur)

Ching-Lien Wu (Cheffe de choeur)

Sans oublier le chœur très élégiaque provenant des hauteurs et arrières de la salle au final, pour renforcer cette impression d’enfermement dans un crane humain suggérée par le décor - qui pivotera d’ailleurs au moment où les invités comprendront, peut-être, que ce sont leurs névroses qui les empêchaient de sortir -, c’est finalement un triomphe qui est réservé à toute l’équipe artistique à laquelle se joint même Tom Cairns

Amina Edris, Jarrett Ott, Jacquelyn Stucker, Gloria Tronel, Claudia Boyle, Anthony Roth Costanzo, Nicky Spence, Frédéric Antoun et Hilary Summers

Amina Edris, Jarrett Ott, Jacquelyn Stucker, Gloria Tronel, Claudia Boyle, Anthony Roth Costanzo, Nicky Spence, Frédéric Antoun et Hilary Summers

Ce n’est en effet pas tous les jours que l’on assiste à un ouvrage du XXIe siècle dirigé par son compositeur en personne et qui, de plus, montre qu’il est capable d’accepter deux visions scéniques très différentes, celle de Cairns, assez littérale et proche de l’ambiance du film, et celle de Bieito, plus sévèrement psychologique et excessive, Alexander Neef étant le seul directeur d'opéra à avoir produit ou coproduit ces deux mises en scène.

Arthur Harmonic, Claudia Boyle, Calixto Bieito, Tom Cairns, Anna-Sofia Kirsch, Ingo Krügler, Thomas Adès, Bettina Auer et Jacquelyn Stucker

Arthur Harmonic, Claudia Boyle, Calixto Bieito, Tom Cairns, Anna-Sofia Kirsch, Ingo Krügler, Thomas Adès, Bettina Auer et Jacquelyn Stucker

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Publié le 19 Février 2024

La Traviata (Giuseppe Verdi – La Fenice de Venise, le 6 mars 1853)
Représentation du 16 février 2024
Opéra Bastille

Violetta Valery Nadine Sierra
Alfredo Germont René Barbera
Giorgio Germont Ludovic Tézier
Flora Bervoix Marine Chagnon
Annina Cassandre Berthon
Gastone Maciej Kwaśnikowski
Il Barone Douphol Alejandro Baliñas Vieites
Il Marchese d'Obigny Florent Mbia
Giuseppe Hyun-Jong Roh
Domestico Olivier Ayault
Commissionario Pierpaolo Palloni

Direction musicale Giacomo Sagripanti
Mise en scène Simon Stone (2019)

Coproduction avec le Wiener Staatsoper, Vienne

Le transfert sur les planches de l'opéra Bastille de la production de 'La Traviata', créée par Simon Stone au Palais Garnier, le 12 septembre 2019, permet de donner la pleine mesure à une lecture qui inscrit le drame de Violetta totalement dans la société d'aujourd'hui.

En effet, le regard du metteur en scène australien fait partie de ceux qui comptent, et en particulier lorsqu’il se pose sur les comportements de la jeunesse. Il ne recule ni devant la trivialité de notre société, ni devant sa vacuité, et entend bien confronter le spectateur à ce qu'il perçoit de son propre univers.

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

Il en résulte que le public présent en salle, ce soir, se retrouve face à un monde qu’il reconnaît parfaitement, expérience que ne connurent pas les Vénitiens qui assistèrent à la création de l'ouvrage en mars 1853, car la censure interdit à Verdi de représenter une critique réaliste de la société de son époque, d’autant plus que les costumes prévus originellement étaient représentatifs du XIXe siècle. 

Son personnage féminin, inspiré de Marguerite Gautier, l'héroïne de 'La Dame aux camélias' d'Alexandre Dumas, elle même imaginée à partir d'une courtisane, Marie Duplessis, que connut l'écrivain français, était trop révélateur de l'hypocrisie de la morale bourgeoise, si bien que l'action fut transposée au début du XVIIe siècle, à l'époque du Cardinal Richelieu, de son vrai nom Armand Jean du Plessis de Richelieu, un comble!

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

Simon Stone redonne de la vigueur à l’ouvrage en inscrivant Violetta dans les quartiers chics entourant la place Vendôme, tout en choisissant, par la vidéo, d’immerger le public dans le monde des réseaux sociaux, leur instantanéité, leur voyeurisme, mais aussi leur artificialité. Le dévoiement de la Traviata se nourrit du regard des autres, et de l’influence dont elle espère tirer profit en vendant son image.

Son dispositif scénique tournoyant traduit une froideur clinique qui accompagne constamment la vie de Violetta, jusque sur son lit d’hôpital. 

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

Il se sert de quelques objets assez imposants, respectivement une chapelle et un tracteur, pour saisir aussi bien l’austérité de Germont que la connexion à la nature d’Alfredo, mais c’est véritablement dans ses descriptions des trépidations des milieux bling-bling qu’il est le plus percutant. L’art vidéo est un moyen dont il se sert pour projeter, en grandes dimensions, le monde d’images que s’est construit la jeune femme.

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

A travers cette reprise, il a la chance de pouvoir compter sur Nadine Sierra pour défendre cette vision moderne, car la soprano américaine, qui n’aborde le rôle de la Traviata que depuis 2021, à Florence, puis au MET de New York, est elle aussi une femme actuelle.

Elle apporte une énergie et des réactions émotionnelles qui renvoient à une contemporanéité immédiate, et son timbre de voix lumineux, riche en couleurs jusqu’aux graves les plus morbides, fait sensation, d’autant plus qu’elle peut s’appuyer sur une longueur de souffle inaltérable et une très belle souplesse qui lui permettent de restituer d'étourdissantes lignes virtuoses. Elle exprime ainsi une forme de détresse, mais aussi un évident désir de vivre jusqu’au plus profond du corps, et c’est cet engagement sidérant qui touche directement chaque auditeur.

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

Nous avons là une conception du personnage très différente de celle qu’avait obtenu Christine Schäfer au Palais Garnier en 2007, dans la production de Christoph Marthaler au pathétisme poétisé, qui en faisait une artiste à la ‘Edith Piaf’ sur la fin de sa carrière. Et alors que la soprano allemande chantait Violetta dans un lit jonché au sol de fleurs apportées par ses fans, dans la production de Simon Stone ces fleurs ne sont que des images, et ne reste rien de concret, hormis Alfredo, lorsqu’elle s’éteint dans une lumière intense et blanchâtre.

René Barbera (Alfredo Germont)

René Barbera (Alfredo Germont)

Le jeune amoureux est incarné par le ténor américain René Barbera, dont la clarté belcantiste, soutenue par une ardeur infaillible, brosse un portrait très touchant qui charme, là aussi, par une très belle longueur de souffle et de la sensibilité dans les nuances. En arborant ainsi un style empreint de romantisme bellinien, il idéalise la nature d’Alfredo, ce qui marque un contraste fort, lors de l’affrontement avec Violetta chez Flora, quand son jeu devient véritablement vériste.

Ludovic Tézier (Giorgio Germont)

Ludovic Tézier (Giorgio Germont)

A l’approche de ses 25 ans de carrière à l’Opéra national de Paris, depuis ses débuts dans ‘La Bohème’, le 12 mai 1999, Ludovic Tézier dépasse dorénavant les 250 représentations sur cette seule scène. Familier du rôle de Germont depuis la reprise de 'La Traviata' dans la mise en scène de Francesca Zambello à l’opéra de Bordeaux, en novembre 2000, il impose une puissante personnalité, déployant une ligne dense et profonde, et une sévérité qui se mue à travers les changements de teintes vocales, en maintenant ainsi l’ambiguïté sur l’humanité de Germont vis à vis de Violetta.

Et, inévitablement, le beau délié, avec lequel il accompagne l’air ‘Di provenza il mar il suol’, est développé avec une plénitude qui rappelle la noblesse bienveillante de Posa dans ‘Don Carlo’.

Alejandro Baliñas Vieites (Le Baron Douphol) et Marine Chagnon (Flora Bervoix)

Alejandro Baliñas Vieites (Le Baron Douphol) et Marine Chagnon (Flora Bervoix)

Ces trois grands personnages verdiens sont entourés de caractères très vivants, et sont tous incarnés avec entrain et des timbres colorés qui résonnent pleinement dans Bastille.

On reconnait ainsi, dans le rôle de la femme de chambre Annina, Cassandre Berthon, l'épouse de Ludovic Tézier, qui célèbre aussi ses 25 ans de présence sur la scène de l'Opéra national de Paris, depuis le retour de 'Platée' au répertoire en avril 1999, mais aussi plusieurs membres de la nouvelle troupe de l'institution qui apportent leur jeunesse de souffle, Marine Chagnon, en Flora Bervoix élégante et mondaine, Alejandro Baliñas Vieites, en très beau Baron Douphol, Maciej Kwaśnikowski, Gaston très vif, et Florent Mbia, en Marquis d'Obigny bien présent

Salle de l'opéra Bastille - Représentation de La Traviata du 16 février 2024

Salle de l'opéra Bastille - Représentation de La Traviata du 16 février 2024

A la direction musicale, Giacomo Sagripanti mène les  musiciens de l'Opéra national de Paris d'un geste véhément et diligent dans l'urgence de l'action, sans écraser les timbres orchestraux, mais s'adapte aussi au besoin des chanteurs d'arrêter le temps pour laisser leur respiration magnifier les airs qui font la magie de cet opéra en salle.

Se ressent toutefois une tension entre le naturel impulsif du chef qui tend à entrainer trop vite tout le monde avant de se recaler en douceur sur le rythme des solistes, mais cela entretient aussi un sentiment de vie irrépressible qui fait l'intérêt de ce spectacle.

Marine Chagnon, René Barbera, Nadine Sierra, Ludovic Tézier, Alejandro Baliñas Vieites et Florent Mbia

Marine Chagnon, René Barbera, Nadine Sierra, Ludovic Tézier, Alejandro Baliñas Vieites et Florent Mbia

Le chœur, excellent, fait preuve d'un bel éclat très saillant qui, conjugué à la fougue orchestrale, atteint un niveau d'exubérance qui en met également plein la vue.

Salle comble tous les soirs, énorme enthousiasme au salut final, cette soirée fait bien partie des immanquables de la saison 2023/2024.

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Publié le 10 Février 2024

Beatrice di Tenda (Vincenzo Bellini – La Fenice de Venise, le 16 mars 1833)
Répétition générale du 03 février et représentations du 09 février et 07 mars 2024
Opéra Bastille

Beatrice di Tenda Tamara Wilson
Filippo Visconti Quinn Kelsey
Agnese del Maino Theresa Kronthaler
Orombello Pene Pati
Anichino Amitai Pati
Rizzardo del Maino Taesung Lee

Direction musicale Mark Wigglesworth
Mise en scène Peter Sellars (2024)

Nouvelle production et Entrée au répertoire
Coproduction avec le Gran Teatre del Liceu, Barcelone

Avec le soutien exceptionnel de Howard & Sarah D.Solomon Foundation - En hommage à Gerard Mortier
 

Retransmission en direct le jeudi 15 février 2024 sur la plateforme de l'Opéra national de Paris, Paris Opera Play
Diffusion sur France Musique le samedi 05 avril 2024 à 20h dans l'émission 'Samedi à l'opéra' présentée par Judith Chaine

Obsédé depuis 25 ans par ‘Beatrice di Tenda’, Peter Sellars a enfin l’occasion de monter l’avant-dernier opéra de Vincenzo Bellini composé pour Venise en 1833, deux ans avant ‘I Puritani’

Le compositeur cherchait à ouvrir le langage musical à travers cet ouvrage qui parle de la brutalité des dictatures, un sujet ô combien d’actualité.

L’œuvre connut sa première parisienne le 08 février 1841, au Théâtre des Italien installé à ce moment-là à la salle Ventadour, théâtre de 1500 places situé aujourd’hui à 500m du Palais Garnier, mais n’avait jamais été jouée jusqu’à présent à l’Opéra de Paris.

Quinn Kelsey (Filippo Visconti) et Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Quinn Kelsey (Filippo Visconti) et Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Le livret relate fidèlement les évènements tragiques qui amenèrent Béatrice Lascaris de Tende, épouse du duc de Milan, Filippo Maria Visconti, à être accusée d’adultère par ce dernier qui était en fait épris d’une autre femme. La jeune aristocrate sera alors emprisonnée, torturée et décapitée le 13 septembre 1418.

Raconter cette histoire dans un théâtre à vocation dramaturgique ne relève pas du simple amour pour le belcanto, mais de l'envie d'en montrer la valeur politique malgré une musique et un livret faiblement dramatiques. La volonté de Peter Sellars est d’en faire un manifeste contre la torture, celle-ci restant toujours pratiquée dans le monde, y compris dans certains pays développés, dans les situations où leur sécurité est engagée.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Il contextualise cette histoire à travers un décor unique stylisé qui représente un jardin à l’italienne composé de palissades labyrinthiques, d’arbres en forme de cônes et d’arbustes sphériques aux feuillages très finement dentelés qui permettent, par des éclairages intérieurs, de donner une coloration d’ensemble vert malachite, dont on peut soupçonner qu’elle est étudiée pour avoir une influence psychique sur le spectateur.

Les parois de la scène sont également recouvertes de panneaux réfléchissants qui élargissent l’espace naturel lorsque les lumières nocturnes sont en place.

Et en ouverture de seconde partie, les éclairages prennent une teinte rouge grenat afin de suggérer la violence de la scène de jugement qui va suivre, l’arrière scène représentant un environnement architectural froid et brutaliste par des effets de transparence complexes.

Une petite passerelle située latéralement en hauteur sur la droite permet d’isoler certaines scènes, dont le premier échange entre Agnese et Orombello, et de donner au chant un rayonnement plus stellaire.

Quinn Kelsey (Filippo Visconti)

Quinn Kelsey (Filippo Visconti)

Théâtralement, l’action reste minimaliste, mais les poses des artistes sont signifiantes et contrastées – l’ordonnancement des choristes se fait vers la scène, et non vers la salle, et malgré leur haine réciproque, Filippo et Beatrice se retrouvent pour un temps dans les bras l’un de l’autre  -, et il y a surtout une volonté de mettre en relief le sort de Beatrice et Orombello, dont rien n’est montré des actes de tortures qu’ils subissent, sinon, en avant scène, le résultat physique et réaliste des dégradations sur leurs corps.

L’horreur vient donc se confronter à la douce harmonie des lignes musicales afin de créer une dissonance de perceptions visuelle et auditive chez le spectateur.

Anecdotiquement, des figurants effectuent des gestes en apparence anodins, réglage d’une caméra de surveillance, coupe au sécateur des haies, nettoyage des parois, et enfin creusement dans le sol, gestes que n’importe quel quidam pourrait effectuer pour accompagner un acte de torture, jusqu’au nettoiement et enterrement des preuves.

Theresa Kronthaler (Agnese del Maino) et Pene Pati (Orombello)

Theresa Kronthaler (Agnese del Maino) et Pene Pati (Orombello)

Pour incarner la confrontation entre les deux aristocrates de Milan, ce sont deux artistes habitués à des rôles de compositeurs postérieurs à Bellini, de plus grandes capacités expressives, qui sont réunis.

Huit ans après ses débuts à Bastille en Rigoletto, Quinn Kelsey est de retour à Paris depuis la naissance de sa fille. Il fait vivre les torpeurs de Filippo avec un mélange séduisant d’inflexibilité et de velours malgré la monstruosité de son personnage.

C’est très troublant à entendre car, à l’écoute du baryton hawaïen, on ne peut s’empêcher de croire que ce Duc odieux pourrait se raviser. Mais non, la grande résonance humaine de son timbre de voix ne change rien à l’issue réservée à Beatrice.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Celle-ci est interprétée par Tamara Wilson qui était, il y a encore quelques mois, une impressionnante Turandot sur cette scène. Cette fois, les lignes belliniennes lui permettent d’exprimer une véritable sensibilité, d’éprouver des nuances piano, de maîtriser la finesse de ses aigus, mais aussi de laisser libre cours à des exaltations d’une grande intensité. 

Elle utilise son timbre vitraillé comme une lame qu’elle assouplit à volonté, tout en ayant une capacité à forger subitement une vrille d’une véritable pureté de glace à l’effet saisissant.

Le public en sera très impressionné et lui réservera, au final, un accueil dithyrambique.

Début de l'acte II : chœur des Demoiselles et Courtisans

Début de l'acte II : chœur des Demoiselles et Courtisans

Son amoureux, Orombello, est porté par un Pene Pati en pleine forme, magnifique de coulant vocal avec des teintes de couleur crème très variées, sombrement ambrées et parcellées d’éclats solaires, qui se mêlent à une sensualité de toute beauté. Son dernier soupir ‘Angiol di pace’, chanté depuis les coulisses, est d’ailleurs une merveille d’élégie. 

On retrouve ces mêmes qualités de flexibilité et de toucher chez son frère, Amitai Pati, qui fait vivre avec détermination le rôle plus court d’Anichino, l’ami d’Orombello.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda) et Pene Pati (Orombello)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda) et Pene Pati (Orombello)

Personnage trouble et triste qui tente de se raviser à la fin, Agnese del Maino trouve aussi à travers la voix de Theresa Kronthaler une fraîcheur aux lignes très maîtrisées avec de charmantes fluctuations de timbre, sa première mélodie étant un pur ravissement avant que ne se révèle la nature complotiste d’une femme trop jalouse.

Et Taesung Lee, ténor faisant partie du chœur, brille aussi en Rizzardo del Maino, style clair, franc et posé.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda) et Quinn Kelsey (Filippo Visconti)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda) et Quinn Kelsey (Filippo Visconti)

Un autre des grands plaisirs de la soirée est la cohésion du chœur scindé en deux parties équilibrées, féminine et masculine, qui se répondent à plusieurs reprises dans la scène sentencielle, avec un legato et une unité de style qui ne cherche pas l’effet trop forcé, et dieu sait si Ching-Lien Wu, la cheffe de chœur, peut avoir tendance à les massifier.

Dans ce répertoire, la touche est plus nuancée, et le positionnement des chœurs en frontal du haut du second balcon, lors de la seconde phase du jugement, permet d’entendre un bel effet de spatialisation d’ensemble bien réglé sur la direction du chef d’orchestre Mark Wigglesworth.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Ce dernier accorde constamment du soin à la fluidité des lignes et la clarté du tissu orchestral, les déliés des motifs solo étant toujours très mélodieux, mais il amortit moins les coups d’éclats de l’orchestration un peu trop dominés par les percussions.

Quinn Kelsey, Tamara Wilson, Pene Pati et Theresa Kronthaler

Quinn Kelsey, Tamara Wilson, Pene Pati et Theresa Kronthaler

Le très grand succès de cette première, donnée en l’absence de Peter Sellars retenu pour raison familiale - il ne reviendra qu'à la dernière représentation en spectateur -, mais qui était bien présent parmi le public à la dernière répétition avec son naturel enjoué qu’on lui connaît bien, s’est accompagné d’une vibrante ovation et de multiples rappels en hommage aux artistes et à une production qui cherche à sensibiliser sur l’essentiel sans surcharger inutilement.

Amitai Pati, Pene Pati, Tamara Wilson, Mark Wigglesworth, Ching-Lien Wu, Quinn Kelsey, Theresa Kronthaler et Taesung Lee

Amitai Pati, Pene Pati, Tamara Wilson, Mark Wigglesworth, Ching-Lien Wu, Quinn Kelsey, Theresa Kronthaler et Taesung Lee

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Publié le 3 Février 2024

Adriana Lecouvreur (Francesco Cilea – Teatro Lirico de Milan, le 6 novembre 1902)
Répétition générale du 13 janvier et représentation du 31 janvier 2024
Opéra Bastille

Adriana Lecouvreur  Anna Netrebko (le 13)
                                  Anna Pirozzi (le 31)
Maurizio Yusif Eyvazov (le 13)
                Giorgio Berrugi (le 31)

La Princesse de Bouillon Ekaterina Semenchuk (le 13)
                                    Clémentine Margaine (le 31)
Le Prince de Bouillon Sava Vemić
L’Abbé de Chazeuil Leonardo Cortellazzi
Michonnet Ambrogio Maestri
Quinault Alejandro Baliñas Vieites
Poisson Nicholas Jones
Mademoiselle Jouvenot Ilanah Lobel-Torres
Mademoiselle Dangeville Marine Chagnon
Un Majordome Se-Jin Hwang

Direction musicale Jader Bignamini
Mise en scène David McVicar (2010)

Coproduction Royal Opera House, Covent Garden, Londres, Gran Teatre del Liceu, Barcelone, Wiener Staatsoper, New-York Metropolitan Opera et San Francisco Opera

La production d’’Adriana Lecouvreur’ dans la mise en scène de David McVicar créée à Londres en 2010, qui fut accueillie par plusieurs capitales européennes ainsi qu’Outre-Atlantique, revient à Paris, 8 ans après son premier passage.

Anna Pirozzi (Adriana Lecouvreur)

Anna Pirozzi (Adriana Lecouvreur)

L’une des plus célèbres tragédiennes de la Comédie-Française, née d’une famille pauvre, devint, 120 ans après sa disparition, le sujet d’un drame d’Eugène Scribe et Ernest Legouvé, grand défenseur des droits des femmes, dont va s’inspirer 50 ans plus tard Arturo Colautti pour écrire le livret de l’opéra le plus célèbre de Francesco Cilea.

David McVicar choisit une évocation d’époque de l’ancienne Comédie Française des années 1729-1730, qui était située à l’actuel 14 rue de l’Ancienne Comédie, près de la place de l’Odéon, à travers un décor qui montre un condensé de l’arrière-scène débordant de vie, et que l’on retrouvera froid et éteint au dernier acte, ce théâtre symbolisant l’âme d’Adriana.

Anna Netrebko (Adriana Lecouvreur)

Anna Netrebko (Adriana Lecouvreur)

Les premières scènes permettent aux artistes de jouer à fond l’excitation de la vie de la compagnie, alors qu’au troisième acte, la salle de réception au Palais du Prince de Bouillon oblige à un jeu très retenu et figé.

Mais l’on vient surtout entendre cet ouvrage pour assister à un affrontement entre deux femmes, l’une comédienne au statut méprisé, et l’autre aristocrate, dominante en société, toutes deux éprises du Comte de Saxe, un homme volage qui se fait passer pour un simple officier.

Et le choix de confier les représentations à deux distributions différentes, l’une russo-turque, l’autre italo-latine, va parfaitement traduire l’ambiguïté qu’imprègne ’Adriana Lecouvreur’, entre ceux qui considèrent l’œuvre comme l’aboutissement le plus réussi du courant vériste italien, et ceux qui insistent sur sa nature belcantiste.

Ekaterina Semenchuk (La Princesse de Bouillon) et Yusif Eyvazov (Maurizio)

Ekaterina Semenchuk (La Princesse de Bouillon) et Yusif Eyvazov (Maurizio)

La première série permet donc de retrouver Anna Netrebko sur la scène Bastille, un an après être venue y incarner la Donna Leonora de la ‘Forza del Destino’. Le timbre est d’une luxueuse beauté sombre avec, parfois, des inflexions fortement morbides, presque monstrueuses, sa présence souveraine se complaît dans un glamour contemplatif hypnotisant, mais, surtout, elle réserve au dernier acte, quand elle reçoit le bouquet de violettes empoisonnées, une puissance dramatique phénoménale. Sa noirceur vocale devient absolument subjuguante tant elle évoque la souffrance intérieure sur le point d’expirer, alors que Jader Bignamini tisse une orchestration d’un soin infiniment précieux.

Anna Netrebko (Adriana Lecouvreur)

Anna Netrebko (Adriana Lecouvreur)

Avec une correspondance de galbe vocal qui s’harmonise naturellement à celui de la soprano russe, Ekaterina Semenchuk impose aussi un fort caractère et une ampleur d’une grande noblesse, tout en ayant une attitude fortement tenue, à l’image de l’esprit général de ces premières représentations où le style musical se veut plus ampoulé que nerveux.

Le chef d’orchestre imprime en effet, pour ces premières représentations, un alanguissement fastueux qui ferait douter de la nature vériste de l’ouvrage et qui conforte les défenseurs d’une interprétation qui surligne la magnificence de l’écriture musicale, au détriment d’une urgence qui se fait souvent attendre.

Anna Pirozzi (Adriana Lecouvreur)

Anna Pirozzi (Adriana Lecouvreur)

En Maurizio, le ténor Azerbaïdjanais Yusif Eyvazov s’inscrit dans une matière bien différente, affichant un volontarisme héroïque qui rappelle surtout le personnage verdien de Manrico d’’Il Trovatore’. L’assise vocale et les aigus sont d’une solidité à toute épreuve, le soucis de la nuance palpable, et son feux intérieur transcende un sensibilité rugueuse.

Ayant lui même une forte personnalité, ses expressions gagnent en virilité un peu animale.

Leonardo Cortellazzi (L’Abbé de Chazeuil) et Clémentine Margaine (La Princesse de Bouillon)

Leonardo Cortellazzi (L’Abbé de Chazeuil) et Clémentine Margaine (La Princesse de Bouillon)

C’est pourtant à un tout autre spectacle qu’il est possible d’assister depuis le 28 janvier avec l’arrivée d’un autre trio principal qui, de notre point de vue, défend bien mieux la nature théâtrale d’’Adriana Lecouvreur’.

Anna Pirozzi, qui fit ses débuts à l’Opéra national de Paris il y a un an, à l’occasion de la même série de ‘La Forza del Destino’ qu’Anna Netrebko, offre un tout autre visage, la lumière dans le regard, une très grande clarté et une franchise de phrasé indispensable pour rendre justice aux talents de tragédienne d’Adriana Lecouvreur. Son rayonnement et sa grande sincérité touchent instantanément au cœur, et dans le grand monologue de ‘Phèdre’, ‘Giusto cielo !’, elle fait ressentir la pression d’une émotion qui finit par exploser avec un art de la gradation fabuleux. 

Giorgio Berrugi (Maurizio) et Anna Pirozzi (Adriana Lecouvreur)

Giorgio Berrugi (Maurizio) et Anna Pirozzi (Adriana Lecouvreur)

Elle aussi, dotée d’un mordant et d’une résonance impressionnants, Clémentine Margaine transforme la Princesse de Bouillon en une dame d’une violence féroce, les graves d'airain claquant dans la salle tout en gardant une excellente netteté.

On a là une femme à l’orgueil débordant qui vous secoue Maurizio avec un ‘Restate!’ à réveiller les morts.  Le terme de ‘vérisme’ s’applique aussi bien à l’interprétation de la mezzo-soprano narbonnaise qu’à celle de la soprano napolitaine, car toutes deux extériorisent les personnalités respectives de la princesse et de la comédienne avec une vérité humaine qui vous tient aux tripes de bout-en-bout.

Marine Chagnon (Dangeville), Ambrogio Maestri (Michonnet), Ilanah Lobel-Torres (Jouvenot)

Marine Chagnon (Dangeville), Ambrogio Maestri (Michonnet), Ilanah Lobel-Torres (Jouvenot)

Aucun artifice ici, nous sommes tous impliqués dans un drame où le Comte de Saxe, sous la figure de Giorgio Berrugi, apparaît comme un homme malmené par ces deux femmes, et qui, grâce au beau style ombré du ténor pisan, conserve une dignité qui, finalement, lui donne une allure plutôt conventionnelle.

Clémentine Margaine (La Princesse de Bouillon)

Clémentine Margaine (La Princesse de Bouillon)

Quels que soient les soirs, Ambrogio Maestri fait battre le grand cœur de Michonnet avec une prestance à la fois lumineuse et pudique, et tous les personnages qui entourent la comédienne, Quinault, Poisson, Mesdemoiselles Jouvenot et Dangeville, et le majordome, sont vivifiés avec brio par les artistes de la troupe, Alejandro Baliñas Vieites, Nicholas Jones, Ilanah Lobel-Torres et Marine Chagnon, et le choriste Se-Jin Hwang, auxquels le ténor Leonardo Cortellazzi adjoint un impact bien marqué avec une esprit de meneur dans le rôle de l’Abbé de Chazeuil.

Anna Pirozzi (Adriana Lecouvreur)

Anna Pirozzi (Adriana Lecouvreur)

Mais toute cette énergie jetée dans la bataille du drame ne pourrait avoir totalement prise si Jader Bignamini n’avait adapté sa direction d’orchestre à ce nouvel influx sanguin, s’en donnant à cœur joie dans les scènes d’une vitalité piquante, rendant même passionnante la musique pourtant anodine de la pantomime du troisième acte, et, surtout, déployant une somptuosité volcanique – le coup d’éclat d’Adriana, à la fin de son monologue, est rendu avec une splendeur retentissante et des couleurs de métal flamboyant absolument ensorcelants - et un sens de excitation dramatique qui faisaient défaut avec la première distribution.

Une interprétation de référence d’’Adriana Lecouvreur’ à l’opéra Bastille, en ce mercredi 31 janvier 2024, que l’on n’est pas près d’oublier de si tôt!

Sava Vemić, Clémentine Margaine, Anna Pirozzi, Jader Bignamini, Giorgio Berrugi, Ambrogio Maestri et Leonardo Cortellazzi

Sava Vemić, Clémentine Margaine, Anna Pirozzi, Jader Bignamini, Giorgio Berrugi, Ambrogio Maestri et Leonardo Cortellazzi

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Publié le 23 Janvier 2024

Jules César (Georg Friedrich Haendel - King's Theatre Haymarket de Londres, le 20 février 1724)
Représentations du 20 et 30 janvier 2024
Palais Garnier

Giulio Cesare Gaëlle Arquez
Tolomeo Iestyn Davies
Cornelia Wiebke Lehmkuhl
Sesto Emily d'Angelo
Cleopatra Lisette Oropesa
Achilla Luca Pisaroni
Nireno Rémy Bres
Curio Adrien Mathonat

Direction Musicale Harry Bicket
Mise en scène Laurent Pelly (2011)

A l’occasion des 300 ans de la création de l’ouvrage le 20 février 1724 au King’s Theatre de Londres, l’Opéra national de Paris reprend la production de ‘Giulio Cesare’ montée par Laurent Pelly en 2011, et en confie l’interprétation à son propre orchestre, une première depuis 1997 (‘Giulio Cesare’ sous la direction d’Ivor Bolton), les œuvres baroques étant habituellement confiées à des spécialistes tels 'Les Arts Florissants', 'Les Musiciens du Louvre' ou bien 'Le Concert d’Astrée'.

Gaëlle Arquez (Giulio Cesare)

Gaëlle Arquez (Giulio Cesare)

Cette ouverture du répertoire s’inscrit ainsi dans la même logique observée avec Gluck dont les deux dernières reprises d’’Iphigénie en Tauride’ (2016 et 2021) ont aussi été assurées par l’Orchestre de l’Opéra de Paris.

Harry Bicket a donc accepté de délaisser pour un temps ‘The English Concert’, et il entraîne les musiciens de la maison dans une lecture juvénile qui soigne la rondeur et la douceur du son. La pâte sonore est constamment fluide et brillamment polie, et le chef d’orchestre britannique s’assure de l’excellente continuité entre la vivacité instrumentale et l’expressivité vocale des chanteurs.

Lisette Oropesa (Cleopatra)

Lisette Oropesa (Cleopatra)

Dans cette mise en scène, la cohérence dramatique est délaissée au profit d’une vision qui consiste à faire revivre, dans l’entrepôt d’un musée qui pourrait être celui du Caire, les personnages de l’antiquité, tout en y mêlant la vie du personnel agissant sans les voir.

Cela permet d’introduire des scènes humoristiques, mais aussi de maintenir un regard distancié avec le passé colonialiste. La profusion de bustes et de statues, de la lionne mycénienne à l’Auguste Caesar, a aussi le pouvoir d’inspirer chez le spectateur un imaginaire qui lui permette de développer sa propre théâtralité intérieure.

Lisette Oropesa (Cleopatra)

Lisette Oropesa (Cleopatra)

A l’occasion de cette reprise, il se dégage de la part des solistes une unité d’ensemble fort plaisante à écouter, d’autant plus que la plupart des chanteurs ne sont pas des spécialistes du répertoire baroque.

Lisette Oropesa est par tempérament naturellement sensationnelle dans le rôle de Cléopâtre, très à l’aise à défier les aspects virtuoses de son personnage, mais elle fait aussi entendre une richesse de teintes vocales qui lui donne de la densité. Dans les fameux lamenti ‘Se pietà di me non senti, giusto ciel’ et ‘Piangerò la sorte mia’, elle n’hésite d’ailleurs pas à laisser filer des affects qui ajoutent subtilement de la vérité à la souffrance qu’elle exprime.

Rémy Bres (Nireno) et Lisette Oropesa (Cleopatra)

Rémy Bres (Nireno) et Lisette Oropesa (Cleopatra)

Nireno, le confident de la Reine égyptienne, est interprété par Rémy Bres, 26 ans, jeune contre-ténor avignonnais qui fait ses début à l’Opéra de Paris, et qui a déjà fréquenté l’année dernière, à Rome et à Leipzig, un autre rôle de cet ouvrage, Tolomeo.

Le timbre est chaleureux, rond et mélancolique, ce qui donne le sentiment d’une touchante candeur nimbée de séduction dans son air ‘Chi perde un momento di un dolce contento’, vif et scintillant, un air ajouté par Haendel peu après la création et réintroduit à l’occasion de cette production.

Wiebke Lehmkuhl (Cornelia)

Wiebke Lehmkuhl (Cornelia)

Profondément languide, Wiebke Lehmkhul rapproche l’auditeur de la noirceur retenue de Cornelia avec une tessiture d’une très belle noblesse, et Emily d'Angelo, dont la ligne androgyne fascine toujours autant, fait entendre la fureur de Sesto avec des traits violemment fauves et boisés dans la voix qui contribuent à lui donner un caractère fabuleusement perçant.

C’est d’autant plus saisissant qu’une fois revenue pour les saluts, la mezzo-soprano canadienne offre au public un sourire d’un charme absolument fou.

Emily d'Angelo (Sesto)

Emily d'Angelo (Sesto)

Et dans le rôle titre qu’elle a incarné au Théâtre des Champs-Élysées au printemps 2022, Gaëlle Arquez investit la carrure de cet Empereur vieillissant avec une conviction assez confondante, en faisant bien ressentir sa nature dépressive. Les lignes vocales sont souples, joliment moirées, avec de très fins effets filés, mais aussi un mordant sensible sans noirceur excessive.

Gaëlle Arquez (Giulio Cesare) et Lisette Oropesa (Cleopatra)

Gaëlle Arquez (Giulio Cesare) et Lisette Oropesa (Cleopatra)

Son hôte, l’odieux Tolomeo, est incarné par un contre-ténor passionné par l’univers haendélien, Iestyn Davies, qui joue de son assurance avec style, les couleurs du timbre se rapprochant d’ailleurs de celui de Rémy Bres en Nireno.

Iestyn Davies (Tolomeo)

Iestyn Davies (Tolomeo)

Enfin, Luca Pisaroni est un interprète d’Achilla d’une pleine autorité et Adrien Mathonat fait résonner en Curio un ébène dense et aristocratique.

Un grand plaisir mélodique soigné, qui s’apprécie pour les caractères inspirants et contrastés qui traversent cette histoire, dont la trame mêle de façon proche humour et douleur dans un cadre artistique très évocateur.

Wiebke Lehmkuhl, Lisette Oropesa, Harry Bicket, Gaëlle Arquez et Emily d'Angelo

Wiebke Lehmkuhl, Lisette Oropesa, Harry Bicket, Gaëlle Arquez et Emily d'Angelo

Egalement, le compte-rendu de la création en Janvier 2011:

Giulio Cesare (Dessay - Zazzo msc Pelly) au Palais Garnier

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Publié le 1 Janvier 2024

Casse-Noisette (Piotr Ilitch Tchaïkovski – Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, le 18 décembre 1892)
Représentation du 31 décembre 2023
Opéra Bastille

Clara Sae Eun Park
Drosselmeyer / Le Prince Germain Louvet
Luisa Bianca Scudamore
Fritz Antoine Kirscher
La Mère Anémone Arnaud
Le Père Sébastien Bertaud
La Grand-Mère Ninon Raux
Le Grand-Père Cyril Chokroun

Direction musicale Andrea Quinn
Chorégraphie Rudolf Noureev (19 décembre 1985), d’après Marius Petipa et Lev Ivanov

Avec les Étoiles, les Premières danseuses, les Premiers danseurs, le Corps de Ballet de l’Opéra national de Paris et la participation des élèves de l’École de danse.
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœurs d’enfants de l’Opéra national de Paris.

Le 1er septembre 1983, alors âgé de 45 ans, Rudolf Noureev devient directeur de la plus ancienne compagnie de danse au monde, celle de l’Opéra de Paris fondée par Louis XIV en mars 1661. Une première proposition lui avait bien été faite en 1973, mais il souhaitait à cette époque poursuivre sa carrière de danseur international.

Sae Eun Park (Clara) et Germain Louvet (Le Prince)

Sae Eun Park (Clara) et Germain Louvet (Le Prince)

Au moment de sa nomination, l’institution ne connaît de lui, en tant que chorégraphe, que le 3e acte de ‘La Bayadère (Les Ombres)' et ‘Don Quichotte’, tous deux inspirés de Marius Petipa.

Viendront au Palais Garnier ‘Raymonda’ (novembre 1983), ‘La Tempête’ (mars 1984) sur une musique de Tchaïkovski, ‘Bach suite’ (avril 1984) en collaboration avec Francine Lancelot, ‘Roméo et Juliette’ (octobre 1984) sur une musique de Prokofiev, ‘Le Lac des Cygnes’ (décembre 1984), et ‘Washington Square’ (juin 1985) en association avec Jean-Claude Carrière.

Casse-Noisette (Eun Park Louvet Quinn Noureev) Opéra de Paris

L’opposition de culture entre son niveau d’exigence et sa dureté, d’une part, et le rythme encadré des artistes de la maison, d’autre part, sera source de fortes tensions, mais une adaptation réciproque entre son caractère et la mentalité administrative du système va se faire jour au début de la saison 1985-1986.

Cette confrontation au réel se retrouve ainsi en filigrane dans la nouvelle version de ‘Casse-Noisette’ qu’il présente en décembre 1985 à la veille de Noël, version retravaillée de ses précédentes productions créées successivement à Stockholm (1967), Londres (1968), Milan (1969), Buenos Aires (1971) et Berlin (1979).

Sae Eun Park (Clara), Antoine Kirscher (Fritz) et les enfants (Ecole de danse)

Sae Eun Park (Clara), Antoine Kirscher (Fritz) et les enfants (Ecole de danse)

Dans ce conte adapté par Alexandre Dumas de l’œuvre de E.T.A Hoffmann, Clara subit le soir de Noël les comportements et réflexions oppressants des adultes et enfants de son entourage qui l’empêchent de profiter naturellement de la joie qu’apporte Drosselmeyer avec ses cadeaux.

Et la nuit, la jeune fille en fait des cauchemars sous forme de rats, de chauve-souris et de danses, jusqu’à ce que son chevalier, l'incarnation de celui qui rend les choses possibles en écartant le monde bourgeois et son besoin de contrôle sur les autres, intervienne pour la rendre à ses rêves, une aspiration que vit en lui-même Noureev à travers l'élaboration de son art.

Un miroir, relativement adouci, est donc tendu à la société.

Sae Eun Park (Clara)

Sae Eun Park (Clara)

Pour cette 144e représentation jouée dans cette chorégraphie, nous retrouvons Germain louvet en Drosselmeyer et en Prince, un rôle qu’il avait dansé lors de la dernière reprise en décembre 2014, et Sae Eun Park qui se voit interpréter à Paris, avec une technique française, le premier ballet qu’elle vit sur scène grâce à son grand-père, où elle fait vivre avec beaucoup de vérité la lassitude d’un monde cloisonné, et l’idéal d’un autre monde plus beau et plus vaste.

La danseuse étoile coréenne est en effet de bout un bout un modèle de légèreté, une Clara intelligente par son sens de l’observation, par sa précision de geste, par l’extension des bras et des jambes mus avec une douceur caressante fortement attendrissante.

Germain Louvet (Le Prince) et Sae Eun Park (Clara)

Germain Louvet (Le Prince) et Sae Eun Park (Clara)

Elle trouve en Germain Louvet un partenaire fiable et très stable, en belle harmonie avec la ligne de mouvement de sa partenaire, dans un rôle où il fait preuve d’une certaine abnégation pour laisser Sae Eun Park exprimer en profondeur la grâce et le désir de bonheur de Clara.

Germain Louvet (Le Prince) et Sae Eun Park (Clara)

Germain Louvet (Le Prince) et Sae Eun Park (Clara)

En première partie, et avant que les solistes ne passent au premier plan, les grands ensembles menés par les élèves de l’École de danse, dans les rôles des enfants comme ceux des soldats et des rats, sont réjouissants par leur vitalité, et l’arrivée des chevaux-jupons conserve, malgré les ans, une magie souriante irrésistible

Florimond Lorieux et Camille Bon (Danse arabe)

Florimond Lorieux et Camille Bon (Danse arabe)

Au second acte, les danses arabes (excellents Camille Bon et Florimond Lorieux!), espagnoles et russes ont un pouvoir sensuel et des traits de vivacité toujours aussi prégnants, même si leur nature folklorique date beaucoup aujourd’hui, et les trois acrobates, Micah Levine (nouvel entrant dans le Corps de ballet), Samuel Akins (artiste invité) et Ryosuke Miwa (issu du CNDMSP), sont tous trois reliés par une bonne cohésion à travers leur chorégraphie impulsive et enjouée.

Les grands ensembles complexes et formels, ‘Les flocons’ et ‘La valse des fleurs’, sont eux aussi réussis avec ce pouvoir d’illustrer la magie de la musique qui est un grand moment de détente de l’esprit pour l’auditeur.

Les flocons

Les flocons

Mais le plus saisissant réside probablement dans la direction d’Andrea Quinn, cheffe britannique indépendante, ancienne directrice musicale du Royal Ballet de Londres et du New-York City Ballet, qui, avec beaucoup d’inspiration, insuffle de l’élan aussi bien aux danseurs qu’aux musiciens en déployant un formidable relief orchestral riche en contrastes et couleurs, tirant des traits d’une vivacité bien marquée et une souplesse de mouvement fastueuse, tout en faisant vivre une intensité en fosse d’une splendide sensualité.

Germain Louvet (Le Prince) et Sae Eun Park (Clara)

Germain Louvet (Le Prince) et Sae Eun Park (Clara)

Avec un grand sens de la vibration à fleur de peau elle ne lâche rien en tension scénique et musicale, mais elle sait aussi poser une solide assise dans les grands ensembles pour maintenir l’homogénéité collective, et une telle réussite que l’on ne rencontre pas toujours à l’occasion des ballets classiques, donne énormément envie de la réentendre à l’occasion d’une éventuelle reprise du diptyque 'Iolanta / Casse-Noisette' imaginé par Dmitri Tcherniakov pour le Palais Garnier en 2016.

Car revoir la conception de Noureev permet aussi de mesurer à quel point le travail de Tcherniakov avec cinq chorégraphes contemporains rend beaucoup plus de force au monde ‘petit-bourgeois’ de Clara, ainsi qu’au romantisme de sa relation au Prince, et cela avec beaucoup plus d’humour.

Andrea Quinn

Andrea Quinn

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Publié le 10 Décembre 2023

Vissi d’Arte – Gala Maria Callas
Récital du 02 décembre 2023
Palais Garnier

‘Una voce poco fa’ (Le Barbier de Séville, Rossini) – Maria Callas (Palais Garnier, 1958)
Monologue d’ouverture de ‘Master Class’ (McNally, 1995)  – Carole Bouquet
‘Casta Diva’ (Norma, Bellini) – Sondra Radvanovsky
Lettre de Maria Callas à une admiratrice (10 mai 1966)  – Carole Bouquet
‘Follie, follie’ (La Traviata, Verdi) – Pretty Yende
‘La Habanera’ (Carmen, Bizet) – Eve-Maud Hubeaux
Extrait de ‘Une heure avec Maria Callas’ (Bernard Gavoty, 16 juin 1964)
‘D’amore sull’ali rosee’ (Il Trovatore, Verdi) – Maria Callas (Palais Garnier, 1958)
Article ‘Viva Callas’ extrait des ‘Nouvelles littéraires’(Marguerite Duras, décembre 1965) – Carole Bouquet
‘Vieni! T’affretta!’ (Macbeth, Verdi) – Sondra Radvanovsky
100 photos de Maria Callas sur ‘Divinités du Styx’ (Alceste, Gluck) – Maria Callas (1961)
Extrait de ‘The Callas Conversations’ (Lord Harewood pour la BBC, 23 avril 1968)
‘Ah non credea’ (La Sonnambula, Bellini) – Pretty Yende
'Lettre de Maria Callas à Umberto Tirelli' (01 septembre 1975) – Carole Bouquet

Carole Bouquet devant le portrait de Maria Callas sur la scène du Palais Garnier

Carole Bouquet devant le portrait de Maria Callas sur la scène du Palais Garnier

‘Sola, perduta, abbandonata’ (Manon Lescaut, Puccini) - Sondra Radvanovsky
‘Ebben ! Ne andro lontana’ (La Wally, Catalani) – Marie-Agnès Gillot (Maria Callas, 1954)
‘O don Fatale’ (Don Carlo, Verdi) – Eve-Maud Hubeaux
Extrait de ‘Medea’ (Pasolini, 1969)
'Lettre de Paolo Pasolini à Maria Callas' (1969) – Carole Bouquet
Extrait de ‘L’invité du dimanche’ (Pierre Desgraupes, 20 avril 1969) – Carole Bouquet
Extrait ‘Hommage à Maria Callas’ de Ingborg Bachmann (après 1956)
Monologue de fin de ‘Master Class’ (McNally, 1995 – musique Jake Heggie)  – Kate Lindsey, piano Florence Boissolle
‘Vissi d’arte’ (Tosca, Puccini) - Sondra Radvanovsky

Direction Musicale Eun Sun Kim
Mise en scène Robert Carsen

Diffusion sur France 5 le 08 décembre 2023 et sur France Musique le 23 décembre 2023 dans l’émission « Samedi à l’Opéra », présentée par Judith Chaine.
Diffusion ultérieure sur Paris Opera Play, la plateforme de l’Opéra national de Paris.

Le jeudi 21 octobre 1958, Maria Callas fit ses débuts aux Maple Leafs Gardens de Toronto après s’être aliénée le public romain en début d’année lors d’une représentation de ‘Norma’ suspendue à l’issue du premier acte.

Alors âgé de 4 ans, Robert Carsen était trop jeune pour assister à son premier concert canadien, mais lorsqu’elle revint au Massey Hall de Toronto le jeudi 21 février 1974, à l’occasion de sa tournée internationale avec Giuseppe Di Stefano, il put la voir et être sidéré par l’extraordinaire ovation qu’elle reçut de la part du public.

Sondra Radvanovsky

Sondra Radvanovsky

Depuis, et avec 13 spectacles présentés à Bastille et Garnier en 30 ans, de ‘Manon Lescaut’ (1993) jusqu’à ‘Ariodante’ (2023), il est le metteur en scène qui a monté le plus de productions à l’Opéra national de Paris, ce qui en fait la meilleure incarnation de l’esprit de l’institution mue autant pas son héritage de la tradition que par la nécessité de la contemporanéité.

Après son magnifique hommage au Palais Garnier rendu en 2004 à travers sa mise en scène de ‘Capriccio’, dont l’écho revint à la fin du Gala lyrique de Renée Fleming qu’il dirigea en 2022 en ce même lieu, Robert Carsen s’approprie à nouveau cette salle qui lui est chère pour célébrer les 100 ans de la naissance de Maria Callas.

Vissi d’Arte – Gala Maria Callas (Radvanovsky Kim Carsen) Opéra de Paris

Ce programme très dense comprend la projection dans leur version nouvellement colorisée de deux airs, ‘Una voce poco fa’ et ‘D’amore sull’ali rosee’, chantés par la ‘Divina’ lors de son premier récital donné au Palais Garnier le 19 décembre 1958, récital qui fut diffusé en direct sur la 1er chaîne de la RTF et devant 30 millions de téléspectateurs européens.

La projection de ces deux extraits sur le rideau de Garnier est absolument grandiose et constitue un véritable moment de recueillement. 

Plafond du Grand Escalier du Palais Garnier

Plafond du Grand Escalier du Palais Garnier

Nous verrons également plusieurs extraits d’interviews ‘Une heure avec Maria Callas’ (1964), ‘The Callas Conversations’ (1968), ‘L’invité du dimanche’ (1969), tous enregistrés à Paris, qui rendent comptent de la relation entre la femme et l’artiste, du niveau d’exigence exceptionnel de son travail, de la perception que son entourage peut avoir d’elle et de son caractère, et où l’expressivité de sa voix et de son visage raconte beaucoup d'elle.

On sourit lorsqu'elle dit qu'elle n'est pas une intellectuelle, car il faut bien l'être pour savoir analyser avec autant de profondeur la vérité du cœur des héroïnes qu'elle a fait revivre.

‘The Callas Conversations’ (Lord Harewood pour la BBC, 23 avril 1968)

‘The Callas Conversations’ (Lord Harewood pour la BBC, 23 avril 1968)

Ce rapport avec la France, et avec Paris en particulier, est d’ailleurs renforcé par le choix des airs, tel ‘Divinités du Styx’ enregistré lors de son passage à la salle Wagram en 1961, et qui est ici utilisé pour illustrer l’histoire de sa vie racontée en images de manière chronologique, à travers un diaporama de 100 photographies très émouvantes par l’émerveillement qui transparaît dans les jeunes regards de ses admirateurs.

Carole Bouquet

Carole Bouquet

Carole Bouquet nous fait découvrir des lettres toutes écrites à la fin de sa carrière, ‘Maria Callas à une admiratrice’ (1966) – un témoignage de l’intégrité de l’artiste qui égratigne l’opéra en tant que tel - , ‘ Maria Callas à Umberto Tirelli’ (1975) – à propos de son monde intérieur -, ‘Paolo Pasolini à Maria Callas’ (1969) – lue juste après la projection d’un extrait de ‘Médée’, et qui révèle la difficulté de Callas à se laisser diriger -, ainsi que ‘Viva Callas’ de Marguerite Duras (1965) et ‘Hommage à Maria Callas’ de Ingborg Bachmann – qui rendent toutes deux hommage à la grandeur de Maria Callas pour avoir sorti l’opéra de ses prouesses vocales afin de lui redonner de l’expressivité dramatique -.

Vissi d’Arte – Gala Maria Callas (Radvanovsky Kim Carsen) Opéra de Paris

Par ailleurs, cette soirée est encadrée par l’introduction et la conclusion de la pièce de Terrence McNally, ‘Master Class’ (1995), qui fut adaptée par plusieurs théâtres parisiens (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, Théâtre Antoine, Théâtre de Paris) et interprétée par Fanny Ardant et Marie Laforêt.

Le monologue final est alors chanté par Kate Lindsey, aux lignes vocales très précisément canalisées, accompagnée au piano mélancolique de Florence Boissolle, sur une musique de Jake Heggie, et ce passage revient à nouveau sur l’importance du sens donné aux mots.

Sondra Radvanovsky - ‘Casta Diva’ (Norma, Bellini)

Sondra Radvanovsky - ‘Casta Diva’ (Norma, Bellini)

Mais cette soirée est également l’occasion de réentendre sur la scène du Palais Garnier des airs qui ont rendu célèbres Maria Callas, interprétés cette fois par de grandes artistes d’aujourd’hui.

Sondra Radvanovsky, qui fit ses débuts à l’opéra Bastille dans ‘Faust’ en 2001, et qui est une des rares cantatrices à avoir été sollicitée par le public pour bisser ‘D’amore sull’ali rosee’ en 2018 sur cette même scène, devient la voix de quatre grands airs, ‘Casta Diva’ (Norma, Bellini), ‘Vieni! T’affretta!’ (Macbeth, Verdi), ‘Sola, perduta, abbandonata’ (Manon Lescaut, Puccini) et ‘Vissi d’arte’ (Tosca, Puccini).

Sondra Radvanovsky - ‘Sola, perduta, abbandonata’ (Manon Lescaut, Puccini)

Sondra Radvanovsky - ‘Sola, perduta, abbandonata’ (Manon Lescaut, Puccini)

Dès le premier de ces airs, les intonations et les noirceurs qu’elle fait entendre ne sont pas sans évoquer les couleurs complexes et changeantes de la voix de Maria Callas, ce qui est fort troublant, et elle démontre une aisance saisissante quand il s’agit d’envahir l’espace sonore d'un voile aigu puissant au début, et très effilé en fin d’aria.

Sondra Radvanovsky - ‘Vissi d’arte’ (Tosca, Puccini)

Sondra Radvanovsky - ‘Vissi d’arte’ (Tosca, Puccini)

Le volontarisme hautain de Lady Macbeth ne lui pose aucun problème, mais la froideur radicale de ce personnage peut sembler trop éloignée de la personnalité de Sondra Radvanovsky, alors que le dramatisme bouleversant de Manon Lescaut en devient intensément poignant.

Et dans sa robe rouge, devant le rideau de Garnier, l’ampleur de son ‘Vissi d’arte’ qu’elle a si souvent chanté fait à nouveau sensation par la hauteur et la longueur du legato enrichi d’un timbre profondément vibrant et inimitable.

Les admirateurs de Sondra Radvanosvky pourront également la retrouver au Chan Shun Concert Hall de Vancouver, le 18 janvier 2024, pour un autre hommage à Maria Callas.

Pretty Yende - ‘Ah non credea’ (La Sonnambula, Bellini)

Pretty Yende - ‘Ah non credea’ (La Sonnambula, Bellini)

Pretty Yende reprend brillamment ‘Follie, follie’ (La Traviata, Verdi) et ‘Ah non credea’ (La Sonnambula, Bellini), mais c’est quand même ce second air qui, en révélant la finesse et la rondeur de son beau médium sensible, nous immerge le plus dans une élégie dramatique naturellement émouvante.

Eve-Maud Hubeaux - ‘La Habanera’ (Carmen, Bizet)

Eve-Maud Hubeaux - ‘La Habanera’ (Carmen, Bizet)

Quant à Eve-Maud Hubeaux, si sa ‘La Habanera’ (Carmen, Bizet) ne manque pas d’aplomb et d’intensité, son incarnation enflammée de ‘O don Fatale’ (Don Carlo, Verdi) est l'un des autres grands moments de cette soirée où n’aura manqué à ce moment là qu’un réel engagement dramatique de Eun Sun Kim qui a surtout cherché à tirer les plus beaux sons de l’orchestre pour les fondre avec délicatesse à la voix des artistes.

Marie-Agnès Gillot - ‘Ebben ! Ne andro lontana’ (La Wally, Catalani)

Marie-Agnès Gillot - ‘Ebben ! Ne andro lontana’ (La Wally, Catalani)

Enfin, Marie-Agnès Gillot offre tout un jeu basé sur le mouvement des mains afin d’exprimer sur l’air ‘Ebben ! Ne andro lontana’ (La Wally, Catalani) la lassitude de Maria Callas fasse à la vie, dans l’esprit de ce qu’a voulu nous raconter ce soir Robert Carsen, qui est non pas d’enfermer Callas dans sa technique virtuose comme des passionnés auraient voulu le faire avec superficialité, mais au contraire d’axer cet hommage sur la ‘vérité dramatique’ de cette grande artiste, mais aussi sur la cassure entre sa vie de femme et sa vie sur scène, même si certains témoignages projetés tendent à montrer une Callas qui cherche à réunir ces deux facettes.

Kate Lindsey, Pretty Yende, Sondra Radvanovsky, Eve-Maud Hubeaux, Marie-Agnès Gillot et Carole Bouquet

Kate Lindsey, Pretty Yende, Sondra Radvanovsky, Eve-Maud Hubeaux, Marie-Agnès Gillot et Carole Bouquet

En somme, un portrait très humain, pénétrant, dénué d'effet mélodramatique, et qui préserve toujours une part de son mystère.

Sondra Radvanovsky, Robert Carsen et Eun Sun Kim

Sondra Radvanovsky, Robert Carsen et Eun Sun Kim

Ce concert peut être revu sur France 5 TV jusqu'au 06 juin 2024 sous le lien suivant :

Vissi d'Arte : Gala Maria Callas

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