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Publié le 1 Mai 2024

Anton Bruckner
Symphonie n°8 (Vienne, 18 décembre 1892)
Concert du 24 avril 2024
Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez

 

Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n°8 en ut mineur, A.117
Version révisée du 10 mars 1890

 

Direction musicale Herbert Blomstedt
Orchestre de Paris
Violon solo (invité) Igor Yuzefovich

Diffusion sur France Musique, le 06 mai 2024 à 20h

Ultérieure à la symphonie n°4 de Johannes Brahms (1885), mais antérieure à la symphonie n°2 de Gustav Mahler (1894), la symphonie n°8 d’Anton Bruckner doit son haut niveau d’inspiration à l’influence d’Hermann Levi, le chef d’orchestre de confession juive à qui Richard Wagner avait confié la direction musicale de la première de ‘Parsifal’ au Festival de Bayreuth, le 26 juillet 1882.

Herbert Blomstedt

Herbert Blomstedt

En effet, ayant rejeté, à l’automne 1887, la partition de la version originale que lui avait envoyé Bruckner et qu’il n’avait pas su comprendre, la santé nerveuse du compositeur en fut fortement affectée.

Mais débuta à ce moment là une période de révision qui concerna la 3e et la 4e symphonie, suivie de la 8e symphonie, qui sera achevée le 10 mars 1890, et enfin la 1er symphonie.

Pour cette raison, la version définitive de la symphonie n°8, totalement réorchestrée, est débarrassée des aspects conventionnels de la première version. Elle évoque dans son premier mouvement l’arrivée grandiose de la Mort, autant que la douceur des souvenirs des êtres aimés dans le troisième, un long adagio d’une demi-heure de temps.

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris

C’est donc avec une grande émotion que nous retrouvons, à l’approche de ses 97 ans, Herbert Blomstedt à la direction de l’Orchestre de Paris, qu'il engage dans une symphonie que le chef suédois affectionne énormément.

Affaibli, arrivant au bras du 1er violon solo invité, Igor Yuzefovich, il prend pourtant les commandes de l’orchestre avec un esprit réconfortant mêlant rigueur et bienveillance, et développe une lecture qui montre de quelle manière il arrive en permanence à insuffler une respiration d'une grande profondeur au jeu des musiciens. Tout au long de la soirée, de grandes pages d'une plénitude absolue alternent ainsi avec des démonstrations de puissance chevaleresque ardentes.

Herbert Blomstedt

Herbert Blomstedt

Les cuivres, et les trompettes en particulier, sont fondus aux sections de bois et de cordes de façon à suggérer une force sous-jacente explosive sans effets trop clinquants, une très belle clarté se dégage des mouvements lents, détaillés avec un délié caressant d’une irrésistible sensibilité, et l’efficacité théâtrale se double d’une brillante netteté, sans aucun appesantissement. 

Et dans l’acoustique de la Philharmonie, le rendu des nappes de violons dépeint de magnifiques impressions d’irréalité diffuse.

Par sa façon de diriger, se ressent également un grand sens du dialogue avec l’orchestre, une compréhension mutuelle qui préserve sa part de mystère, et qui contribue à rendre ce moment inouï, tant il happe l’auditeur dans un rapport au temps qui le dépasse. 

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris

Il s’agit véritablement d’une invitation à goûter et à chérir notre présence à la vie, et la joie d’Herbert Blomstedt reste une force d’inspiration toujours aussi peu commune qui fait la valeur de chacune de ses apparitions, car elles ont le pouvoir de recentrer notre rapport au monde.

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Publié le 29 Avril 2024

Vojtěch Saudek (1951-2003) – Erwin Schulhoff (1894-1942) – Paul Hindemith (1895-1963) - Jan Krejčík (1970)
Concert du 23 avril 2024
Goethe Institut, 17 avenue Iena, Paris 16

Vojtěch Saudek
Quatuor à cordes n°2 (1989)

Erwin Schulhoff
11 inventions, op.36 (1921)

Paul Hindemith
Quatuor à cordes 7/6 (1945)

Jan Krejčík
Sur trois poèmes de Paul Celan pour mezzo-soprano, piano et quatuor à cordes (2024)

FAMA Quartet - David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto) et Balázs Adorján (violoncelle)
Tomáš Víšek piano
Marie Kopecká Verhoeven mezzo-soprano
Jan Krejčík direction

En hommage au centenaire de la disparition de l’écrivain juif tchèque Franz Kafka, le 03 juin 1924, le Goethe Institut présente en partenariat avec le Centre tchèque de Paris, sur une scène poétiquement baignée d'un beau bleu luminescent, un concert consacré au destin des familles post-Kafka, dont les vies ont été bouleversées par l’histoire tragique des années 30 et la Seconde Guerre mondiale.

Marie Kopecká Verhoeven, David Danel, Jan Krejčík et Roman Hranička

Marie Kopecká Verhoeven, David Danel, Jan Krejčík et Roman Hranička

Le mardi 11 décembre 1990 à 18h30, dans le cadre d’une soirée intitulée ‘Musique à Terezin’, en mémoire du camp de concentration où furent déportés, au nord de Prague, un certain nombre de compositeurs tchèques, Radio France confia une carte blanche à Vojtěch Saudek, petit neveu de Kafka par sa mère, au cours de laquelle le Quatuor Martinu créa son second quatuor à cordes.

Ce soir, le quatuor praguois FAMA, que l’on a pu entendre la veille au Centre tchèque de Paris au cours d’une soirée dédiée aux compositeurs contemporains, interprète ce quatuor méditatif aux sons ténus qui se développent en entrecroisements complexes de traits vifs et insaisissables. 

Les résonances des instruments ont un caractère très pictural - la matière boisée se ressentant fortement -, et cette énergie virevoltante et très piquée renvoie à des sentiments nostalgiques, sans fard et très intimes. Les pensées du compositeur sont en fait tournées vers ses grands parents qu’il ne connut jamais, mais dont il récupéra des lettres décrivant leurs impressions sensibles.

Tomáš Víšek (11 inventions, op.36 d'Erwin Schulhoff)

Tomáš Víšek (11 inventions, op.36 d'Erwin Schulhoff)

Puis Tomáš Víšek, pianiste tchèque né en 1957 et inspiré par l’excès de pathos de la pianiste soviétique Valentina Kameníková (1930-1989), prend seul possession de la scène pour emmener le public dans l’univers d’Erwin Schulhoff, pianiste juif praguois qui ne fut plus joué en Allemagne dès les années 30, et qui fut arrêté au moment de la rupture du pacte germano-soviétique et mis au camp de prisonnier de Würzburg, où il mourut en 1942 à l’âge de 48 ans.

Ses ‘11 inventions’ de 1921 sont dédiées à Maurice Ravel, et Tomáš Víšek les restitue avec beaucoup d’intensité en chargeant le son de noirceur et de gravité saisissantes, tout en ayant un jeu d’un allant direct et radical. La profondeur de son attachement à cette musique se lit dans son visage fort, bien qu'il limite ses expressions au cours de l’interprétation.

FAMA Quartet - David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto) et Balázs Adorján (violoncelle)

FAMA Quartet - David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto) et Balázs Adorján (violoncelle)

Paul Hindemith, Allemand, fut lui aussi marqué par la montée du nazisme et dut s’exiler aux États-Unis.

Le quatuor FAMA revient pour jouer son dernier quatuor à cordes composé à la fin de la Seconde Guerre mondiale. On retrouve une écriture plus douce et joyeuse, mais incarnée par la rusticité des tessitures des cordes d’un virtuosité très assurée.

Marie Kopecká Verhoeven et David Danel

Marie Kopecká Verhoeven et David Danel

Enfin, le dernier moment de ce riche concert est dédié à Paul Celan, un des plus grands poètes de langue allemande d’après-guerre, né à Tchernivtsi (Ukraine), qui passa par un camp de travail forcé, après le décès de ses parents en camp d’internement.

Jan Krejčík a composé en sa mémoire une pièce sur trois de ses poèmes qui convoque quatuor à cordes, piano et mezzo-soprano.

Tous les artistes se retrouvent sur scène, y compris le compositeur en tant que directeur de l’ensemble, et la musique combine très étroitement la rythmique saccadée des cordes, d’une part, et la liquidité du toucher du piano, d’autre part, selon une évolution graduelle et continue qui rappelle beaucoup les compositions minimalistes et répétitives du compositeur américain John Adams

Marie Kopecká Verhoeven y adjoint son timbre de mezzo aux vibrations agiles, afin de mêler une voix humaine à ce flux électrique et effervescent qui s'arrête, finalement, sur une rupture nette et abrupte.

Marie Kopecká Verhoeven, Tomáš Víšek, David Danel, Roman Hranička, Ondřej Martinovský, Balázs Adorján et Jan Krejčík

Marie Kopecká Verhoeven, Tomáš Víšek, David Danel, Roman Hranička, Ondřej Martinovský, Balázs Adorján et Jan Krejčík

Une expérience sonore qui trouve son unité dans un esprit de mémoire sans mettre à l’écart une vraie joie ludique, et qui laisse place, à travers toutes ces compositions, à un imaginaire fortement en éveil.

Jan Krejčík et Marie Kopecká Verhoeven

Jan Krejčík et Marie Kopecká Verhoeven

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Publié le 27 Avril 2024

Quatuor FAMA (Srnka Adamek Rataj Krejcik) Centre Tchèque-Paris
Parcours croisés de créations contemporaines de Miroslav Srnka (1975), Ondřej Adámek (1979), Jakub Rataj (1984) et Jan Krejčík (1974)
Concert du 22 avril 2024
Centre Culturel Tchèque, 18 rue Bonaparte, Paris 6

Miroslav Srnka
That long town of White to cross - pour violon solo (2004)
Here With You - pour violon et violoncelle (2011/2016)

Ondřej Adámek
Rapid Eyes Movements (2003-05) - pour quatuor à cordes

Jakub Rataj
STRIA (2023-24) - pour violoncelle solo - création mondiale
Transition - pour quatuor à cordes (2018/2024)

Jan Krejčík
Emaux coulés de Jitka Válová (2024) - pour quatuor à cordes - création mondiale

FAMA Quartet : David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto) et Balázs Adorján (violoncelle)

Programme composé par Marie Kopecká Verhoeven


Ce ne sont pas moins de quatre compositeurs tchèques contemporains, dont deux présents ce soir au Centre Culturel Tchèque, Jakub Rataj et Jan Krejčík, que le quatuor FAMA, ensemble fondé à Prague en 2005 par des musiciens de grands orchestres nationaux, a le plaisir de jouer avec une passion sans faille.

Quatuor FAMA

Quatuor FAMA

Le premier de ces compositeurs, Miroslav Srnka, est déjà l’auteur de plus de 60 pièces depuis ‘Podvrhy / The Falsifications’ (1998).  En ouverture de ce concert, le violoniste David Danel interprète l’une de ses œuvres pour instrument solo ‘That long town of White to cross’, qui fut créée le 20 juin 2004 à Lysice par la violoniste morave Hana Kotková.

Dans une tessiture très aigüe, l’espace est tailladé de frémissements fins et mystérieux, de traits rêches adoucis par des tremolos, et de sinuosités qui font ressortir des sonorités étranges que l’on n'imaginerait pas émaner d’un violon. Ce monde imagé et rude cherche à illustrer le poème d’Emily Dickinson, ‘It can’t be ‘Summer’ !’ , qui décrit les impressions d’un monde situé entre l’hiver et le printemps, ce qui est tout à fait de saison.

David Danel

David Danel

Puis, David Danel est rejoint par Balázs Adorján pour interpréter une pièce plus récente, ‘Here With You’, créée à Fribourg le 06 octobre 2016. Ce qui est étonnant dans ce duo très subtil qui étire des sonorités à l’infini, est d’entendre comment les deux instruments se fondent dans les aigus, le violoncelle pouvant aussi creuser des résonances graves éphémères qui donnent subitement du volume à l'ensemble.

Pour mieux découvrir Miroslav Srnka, il sera possible d’entendre les créations françaises de ‘Milky Way’ (2019), le 27 mai 2024 au studio de la Philharmonie, et de ‘Superorganisms’ (2022) par l’Orchestre de Paris, le 12 juin 2024 à la Philharmonie, sous la direction de Klaus Mäkelä.

Roman Hranička

Roman Hranička

Nous retrouvons ensuite le Quatuor FAMA au complet pour évoquer Ondřej Adámek, compositeur d’une trentaine d’œuvres depuis la création de ‘Rapid Eye Movements’ à l’IRCAM en avril 2005 sous la direction de Jan Krejčík, qui est reprise à cette occasion sans dispositif électronique.

Entêtants sont ces mouvements de machines illustrés par les cordes frottées, ainsi que cette profusion de croisements de lignes saccadées et d’ondulations qui alternent rythmique incisive et passages très ludiques. Le plus étonnant est de voir comment les quatre musiciens se répondent, les voix de chacun ayant la même importance, ce que l’on ressent beaucoup plus rarement dans les concerts classiques traditionnels.

Balázs Adorján

Balázs Adorján

La seconde partie du concert est dédiée aux deux compositeurs présents en salle et à leurs créations.
Balázs Adorján revient seul sur scène afin de présenter en création mondiale ‘STRIA’ de Jakub Rataj, l’auteur d’une quarantaine d’œuvres et de musiques de films souvent associées à des univers électro-acoustiques.

Ce moment est très impressionnant par la façon dont le violoncelliste semble littéralement engagé avec son instrument de musique dans un corps à corps physique et profond, afin de faire ressortir de la matière un chant expressif et rugueux.

Jakub Rataj (compositeur) et David Danel (violon)

Jakub Rataj (compositeur) et David Danel (violon)

Le quatuor FAMA se forme à nouveau autour de lui afin de jouer une autre pièce du compositeur, ‘Transition’, créée en 2018 pour flûte basse et quatuor, mais retravaillée sous une autre forme ce soir. 

Les attaques des archets sont très franches, les traits saillants et d’une grande force de caractère, avec toujours d’étourdissants effets de variations de vibrations.

David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto)

David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto)

Enfin, c’est une pièce en quatre mouvements d’environ 4 minutes chacun que présente Jan Krejčík, ‘Emaux coulés de Jitka Válová’, inspirée par le travail de gravure sur verre de l’artiste tchèque disparue en 2011. 

D’une écriture précise et élégamment striée, avec des touches également très acérées, l’évocation est sémillante, parfois finement spasmodique, et décrit un tissage d’effets lumineux tenus qui s’enrichissent de couleurs vives et bariolées, avec aussi des moments de lentes variations de nuances.

Balázs Adorján (violoncelle) et Jan Krejčík (compositeur)

Balázs Adorján (violoncelle) et Jan Krejčík (compositeur)

Au delà du paysage sonore unique proposé pendant plus d’une heure de musique, ce sont la proximité avec les instruments et les musiciens, et les formes abstraites qui sont maniées à travers ces compositions, qui font ressentir un esprit qui invite aussi l’auditeur à se laisser imprégner de toutes ces ondes qui suscitent images en relief et souvenirs propres à chacun.

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Publié le 17 Janvier 2024

Derya Türkan et Erdal Erzincan – Musique alévi et bektashi
Concert du 13 janvier 2024
Théâtre de la Ville – Les Abbesses

Kamânche Derya Türkan
Bağlama Erdal Erzincan 

Minorité religieuse musulmane qui connut une forte répression sous l’empire Ottoman dès le XVIe siècle, l’alévisme bektashisme est une spiritualité qui touche 16 millions de Turcs d’Anatolie et qui se veut libre dans l’interprétation du Coran. La femme est l’égale de l’homme, et l’alcool n’est pas interdit.

Derya Türkan (Kamânche) et Erdal Erzincan (Bağlama)

Derya Türkan (Kamânche) et Erdal Erzincan (Bağlama)

Le principal opposant de Recep Tayyip Erdogan à l’élection présidentielle de 2023 était Kemal Kiliçdaroglu qui se revendiquait de ce courant. Il obtint 48% des voix.

Le retour de Derya Türkan et Erdal Erzincan au théâtre des Abbesses, deux ans après leur premier duo donné en première mondiale en ce lieu, est l’occasion de découvrir les mélodies inspirantes issues du confins de l’Anatolie.

Derya Türkan (Kamânche)

Derya Türkan (Kamânche)

Le Kamânche de Derya Türkan, sobre et constitué de trois cordes, est un instrument dont les origines profondes sont perses. 

Joué avec un archet – anciennement, cette vièle s’appréhendait manuellement avec une technique staccato -, il en sort une sonorité virtuose très fine, majestueusement étirée et imprégnée d’authenticité, qui évoque des horizons lointains, comme des chants tournés vers les cieux qui touchent l’âme très haut.

Erdal Erzincan (Bağlama)

Erdal Erzincan (Bağlama)

Erdal Erzincan y mêle le son délicat et intime du Bağlama, un luth présent de la Grèce jusqu’en Iran en passant par le Caucase et la Turquie. Le musicien s’est intéressé très jeune à cet instrument, et il en joue parfois tout en interprétant de poétiques mélodies au chant vibré qui traduisent une joie, ou bien une peine, on ne sait, profondément nostalgique.

La salle est pleine, le public extrêmement attentif, et l’envoûtement chaleureux se vit en totale communion avec l’esprit d’une région éloignée et située à la jonction de l’Europe et des traditions orientales.

Derya Türkan (Kamânche) et Erdal Erzincan (Bağlama)

Derya Türkan (Kamânche) et Erdal Erzincan (Bağlama)

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Publié le 17 Décembre 2023

Symphonie n°6 (Gustav Mahler - 27 mai 1906, Essen)
Concert du 09 décembre 2023
Paroisse Notre Dame du Travail – Paris

 

Symphonie n°6 en la mineur ‘Symphonie tragique’
Allegro energico, ma non troppo. Heftig, aber markig
Scherzo. Wuchtig
Andante moderato
Finale. Allegro moderato — Allegro energico

Direction musicale Maxime Pascal
Orchestre Impromptu

 

A l’entrée de l’hiver, du 08 au 17 décembre 2023, l’Orchestre Impromptu offre, en entrée libre, au sein de trois édifices religieux différents de la capitale, la Paroisse Notre Dame du Travail (14e), l’Église Saint-Pierre-de-Chaillot (16e) et Notre-Dame du Perpétuel Secours (10e), une impressionnante représentation de la '6e symphonie' de Gustav Mahler, celle que son épouse, Alma Mahler, indiquait être ‘la plus foncièrement personnelle qu'il ait jamais écrite, celle qui lui a jailli le plus directement du cœur’.

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Selon les soirs, deux chefs d’orchestre se répartissent la direction, Maxime Pascal pour la première série, et Othman Louati pour la seconde, tous deux issus du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.

L’Orchestre Impromptu est un grand orchestre amateur de plus de cent musiciens fondé en 1994, qui célébrera ainsi ses 30 ans en 2024, et qui produit chaque année en public une dizaine de concerts dans des églises ou des salles musicales de Paris et d’Île de France.

Ce soir, à la Paroisse Notre Dame du Travail, édifice doté d’une architecture moderne et aérée dont le fer provient du Palais de l'industrie de l'Exposition universelle de 1855, c’est Maxime Pascal qui assure la direction de la '6e symphonie' de Gustav Mahler.

Nef de la Paroisse Notre Dame du Travail

Nef de la Paroisse Notre Dame du Travail

Ce jeune chef d’orchestre dirige l’Orchestre Impromptu depuis 2007, et est également connu pour être le fondateur en 2009 de l’ensemble Le Balcon.

Et pour bien cerner le talent de ce jeune artiste atypique et très curieux, il est possible de l’entendre régulièrement aux Festivals d’été d’Aix-en-Provence et de Salzbourg, et il fait même partie de la liste des 7 chefs d’orchestre que ‘Le Figaro’ a mis en avant dans son édition du 24 octobre 2023 pour succéder à Gustavo Dudamel à la direction de l’Opéra national de Paris.

C’est ainsi avec un enthousiasme débordant et une rigueur rythmique infaillible qu’il mène les musiciens à travers ce voyage dans les ombres et le fracas de la ‘Symphonie Tragique’ de Gustav Mahler – les deux batailles, ‘Allegro energico’ et ‘Scherzo’ sont jouées toutes deux à la suite, avant l’’Andante’ - , dont il tire une excellente unité et une souplesse de forme harmonieuse qui montre d’emblée que cet ensemble n’a pas à rougir au côté des orchestres professionnels français.

Orchestre Impromptu - Maxime Pascal - 6e symphonie de Mahler

De plus, l’acoustique très favorable de la Paroisse Notre Dame du Travail, moins réverbérée que dans d’autres édifices semblables, permet de bien cerner les détails et les accords des différents instruments. Un inévitable, mais mesuré, tassement du son dans les graves reste toutefois perceptible.

Maxime Pascal est absolument fascinant par son engagement physique, insufflant de la tension avec un vrai sens des contrastes, mais aussi de la légèreté dansante, avec une saisissante capacité à redresser l’architecture de l’orchestre pour ensuite le mener à une cadence strictement militaire dans cette marche qui capte fortement l’auditeur.

On peut même l’entendre romantiser le troisième mouvement avec une onctueuse richesse de son, alors que l’orchestre dispense aussi une très belle lumière dans les évanescences aiguës.

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Le mélange des vents et des cordes et les couleurs qui en ressortent montrent aussi que l’orchestre s’approprie avantageusement le mysticisme mahlérien, et réentendre ces motifs de cuivres à la fois élégiaques et menaçants qui annoncent une fin terrible, crée ensuite une rémanence d’impressions d’inéluctable qui ne vous lâche plus.

Le coup de tonnerre final explose ainsi avec une netteté imparable, et Maxime Pascal arrive enfin à obtenir un très long silence à la toute fin – peut-être d'une durée d'une vingtaine de secondes, voir plus -, ce qui vaut aux musiciens et au chef d’obtenir une standing ovation soudaine et innée de la part du public.

Le site de l'Orchestre Impromptu : Orchestre Impromptu SITE OFFICIEL

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Publié le 28 Novembre 2023

Concours international Grand Prix Long-Thibaud 2023
Concert du 26 novembre 2023
Université Paris II Panthéon-Assas

Les lauréats
Miyu Kitsuwa (Concerto pour violon en ré majeur de Tchaïkovski)
Vikram Francesco Sedona (Concerto pour violon en ré majeur de Brahms)
Bohdan Luts (Concerto pour violon en ré majeur de Sibelius)
Koshiro Takeuchi (Concerto pour violon en ré majeur de Brahms)
Dayoon You (Concerto pour violon en ré majeur de Sibelius)

Direction musicale François Boulanger
Orchestre Symphonique de la Garde Républicaine

Jury
Sarah Nemtanu, Jean-Jacques Kantorow, Akiko Suwanai, Silvia Marcovici, Boris Kuschnir, Sergey Khachatryan, Marc Laforet, Jean-Claude Casadesus

Pour ses 80 ans d’existence, et sa 42e édition consacrée cette année au violon, le Concours Long-Thibaud a reçu 106 candidats originaires de 32 pays différents, mais seuls 21 artistes ont pu participer aux éliminatoires à partir du 22 novembre, et seuls 5 se sont retrouvés en finale ce dimanche après-midi.

Bohdan Luts

Bohdan Luts

Ce concours initié par la pianiste Marguerite Long (1874-1966) et le violoniste Jacques Thibaud (1880-1953) a accueilli de grands interprètes tels Samson François (1er prix en 1943), Aldo Ciccolini (1er prix en 1949), Ivry Gitllis (5e prix en 1951), Elisabeth Leonskaïa (3e prix en 1965), Cédric Tiberghien  (1er prix en 1998) ou Deborah Nemtanu (4e prix en 2002).

Le jury est composé cette année de 6 violonistes, Sarah Nemtanu, Jean-Jacques Kantorow, Akiko Suwanai, Silvia Marcovici, Boris Kuschnir, Sergey Khachatryan, un pianiste, Marc Laforet, et un chef d’orchestre et compositeur, Jean-Claude Casadesus.

 Marc Laforet, Sergey Khachatryan, Jean-Jacques Kantorow, Jean-Claude Casadesus, Akiko Suwanai, Sarah Nemtanu et Silvia Marcovici

Marc Laforet, Sergey Khachatryan, Jean-Jacques Kantorow, Jean-Claude Casadesus, Akiko Suwanai, Sarah Nemtanu et Silvia Marcovici

La finale se déroule au sein du grand amphithéâtre de l'université Paris 2 Panthéon-Assas, d’une capacité de 1800 places, qui a repris depuis 2015 ses activités de concerts classiques interrompues pendant 40 ans. De nombreux étudiants, mais également des musiciens professionnels, des mécènes, des politiques, la presse, et bien sûr les organisateurs, sont réunis à cette occasion.

Miyu Kitsuwa

Miyu Kitsuwa

Au cours d’un programme qui dura de 14h à 18h30, sous la conduite de François Boulanger à la direction de l’Orchestre Symphonique de La Garde Républicaine, jury et spectateurs ont ainsi pu apprécier la technicité et la personnalité de chacun des violonistes, que ce soit la vivacité exacerbée de Miyu Kitsuwa dans le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Tchaïkovski, le baume du toucher doucereux et séducteur de Vikram Francesco Sedona dans le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Brahms que le très jeune Koshiro Takeuchi, d’allure réservée, reprendra avec une souplesse très fine, puis deux interprétations du ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Sibelius, l’une d’abord exécutée par Bohdan Luts, la posture fière et arquée évoquant une grande puissance intérieure, les vibrations de l’archet d’une forte densité donnant le sentiment d’un jeu très engagé, farouche et maîtrisé, et l’autre jouée par Dayoon You dont on entend la teneur démonstrative s’affirmer avec un superbe travail sur les nuances et la flexibilité.

Koshiro Takeuchi

Koshiro Takeuchi

C’est uniquement à 20h que les 5 finalistes seront invités à revenir ensemble sur la scène de l’amphithéâtre pour l’annonce du palmarès, alors qu’au même moment, Gerard Bekerman, économiste, pianiste et président de la fondation Long-Thibaud depuis mai 2021, soulignera avec beaucoup de bienveillance l’importance de leur talent pour la musique et son lien à la société.

Miyu Kitsuwa, Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts, Koshiro Takeuchi et Dayoon You

Miyu Kitsuwa, Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts, Koshiro Takeuchi et Dayoon You

Étudiante originaire de Yokohama, Miyu Kitsuwa, 22 ans, remporte le 5e prix, prix SAS Le prince Albert II de Monaco d’une valeur de 6.000 €.

Vikram Francesco Sedona, né à Trévise en 2000, remporte le 4e prix, prix de la Ville de Paris d’une valeur de 8.000 €.

Koshiro Takeuchi, 18 ans, étudiant au Tokyo College of Music High School, décroche le 3e prix, prix de la Fondation Michelin d’une valeur de 12.000 €.

Dayoon You, 22 ans, obtient le 2e prix, prix de la Fondation BNP Parisbas d’une valeur de 20.000 €, 9 ans après le 4e prix de la violoniste sud-coréenne Kyung Ji Min.

Et c’est donc l'impressionnant ukrainien Bohdan Luts, né à Lviv le 28 novembre 2005, qui remporte le 1er prix du Concours international Long-Thibaud 2023 d’une valeur de 35.000 €, mais également le prix de la presse et le prix du public d’une valeur de 8.000 €.

Bohdan Luts

Bohdan Luts

Ce jeune violoniste, qui a donné son premier concert au Lviv Philharmonic Hall en 2012, suit actuellement l’enseignement de Renaud Capuçon, Guillaume Chilemme et Oleg Kaskiv à l’International Menuhin Music Academy à Rolle en Suisse.

Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts et Koshiro Takeuchi

Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts et Koshiro Takeuchi

Il a tenu, ce soir, à dire quelques mots en anglais en invitant chacun d’entre nous à n’avoir de pensées que pour ceux qui vivent des moments difficiles dans le monde, puis il a réinterprété le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Sibelius avec une approche plus posée mais toujours avec la même fascinante détermination.

Il le rejouera également le lendemain au Théâtre des Champs-Elysées avec l'Orchestre symphonique de la Garde républicaine, la veille de la célébration de ses 19 ans.

L'intégralité de la finale du concours Long-Thibaud 2023

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Publié le 5 Novembre 2023

John Zorn / 70e anniversaire - Stephen Gosling - JACK Quartet - Sae Hashimoto - Ches Smith - Jorge Roeder
Concert du 01 novembre 2023
Philharmonie de Paris - Grande salle Pierre Boulez

Jumalattaret (2012)
Piano  Stephen Gosling

Ab Eo, Quod (2021)
Sae Hashimoto (Vibraphone), Jay Campbell (Violoncelle), Ches Smith (Batterie)

Pandora’s Box (2013)
JACK Quartet - Christopher Otto (violon), Austin Wulliman (violon), John Pickford Richards (alto), Jay Campbell (violoncelle)

Star Catcher (2022)
Stephen Gosling (Piano), Jorge Roeder (Basse), Ches Smith (Batterie)

Voix Barbara Hannigan

Le passage à Paris de John Zorn, qui a célébré ses 70 ans le 02 septembre dernier, est l’occasion de retrouver un saxophoniste de jazz des années 80, compositeur d’un nombre considérable d’œuvres dans des genres très variés qui peuvent aller de la ballade chantée pour soliste jusqu'au métal violent, en passant par des ambiances chaleureuses ou sensiblement mélancoliques, surtout lorsqu'elles reposent sur l’emploi de violoncelles et de basses.

Barbara Hannigan - 'Jumalattaret'

Barbara Hannigan - 'Jumalattaret'

Son talent d’improvisation et d’adaptation est ce soir mis au service de la voix de Barbara Hannigan, et c’est un immense plaisir de retrouver la chanteuse canadienne douée de ce splendide sens de la mise en scène de soi tourné vers une intériorité librement imaginaire qui ne s’interdit aucune excentricité musicale.

Stephen Gosling et Barbara Hannigan - 'Jumalattaret'

Stephen Gosling et Barbara Hannigan - 'Jumalattaret'

La première des quatre pièces, ‘Jumalattaret’, est inspirée d'une épopée finnoise, ‘Le Kalevala’.

Pour Barbara Hannigan, accompagnée uniquement au piano par Stephen Gosling, il s’agit de faire vibrer dans l’acoustique sidérale de la Philharmonie la cristallinité de son timbre, et donc d’exprimer une pureté parfaite. L’écriture, tout aussi mélodique qu’elle soit, recèle également des dissonances ludiques qui se répondent entre clavier et voix.

On pense alors beaucoup à une autre pièce que le compositeur danois Hans Abrahamsem écrivit pour elle à la même époque dans le même esprit de scintillement, ‘Let me tell you’.

Jay Campbell, Barbara Hannigan, Sae Hashimoto et Ches Smith - ‘Ab Eo, Quod’

Jay Campbell, Barbara Hannigan, Sae Hashimoto et Ches Smith - ‘Ab Eo, Quod’

Puis, avec ‘Ab Eo, Quod’, cet esprit de virtuosité très libre se prolonge selon une couleur vocale un peu plus pleine, avant que la batterie de Ches Smith, mêlée à la rondeur sonore du vibraphone rigoureusement rythmée par Sae Hashimoto et aux traits de violoncelle impertinents de Jay Campbell, n'entame une ballade flegmatique sous forme d'un road movie sans autre objectif que le mouvement.

Cette pièce est un hommage au monde étrange de la peintre Leonora Carrington.

Christopher Otto, Austin Wulliman, Barbara Hannigan, Jay Campbell et John Pickford Richards - 'Pandora’s Box'

Christopher Otto, Austin Wulliman, Barbara Hannigan, Jay Campbell et John Pickford Richards - 'Pandora’s Box'

'Pandora’s Box' met ensuite à l'honneur la forme du quatuor à cordes avec des sonorités très aiguës et une évolution vers un climat où des fils très tenus entretiennent un fort sentiment pathétique. Beaucoup de joie anime le JACK Quartet autour de la chanteuse qui prend ainsi l'allure d'une égérie.

Barbara Hannigan - 'Star Catcher'

Barbara Hannigan - 'Star Catcher'

Enfin, la pièce la plus récente du programme, 'Star Catcher', s'inspire de l'âme d'une autre peintre surréaliste, Remedios Varo, dont Barbara Hannigan chante les noms des œuvres telles 'Enchanted Knight’, ‘The Scorpions’, ‘Phenomenon’, ‘Aquarius’, selon une ligne harmonique à moitié écrite alors que l'autre reste improvisée.

Et si la partition du pianiste Stephen Gosling est intégralement composée à l'avance, celle de la batterie se trouve, elle, totalement libre.

Christopher Otto, Austin Wulliman, Barbara Hannigan, Jay Campbell et John Pickford Richards - 'Pandora’s Box'

Christopher Otto, Austin Wulliman, Barbara Hannigan, Jay Campbell et John Pickford Richards - 'Pandora’s Box'

Ce concert apparaît ainsi comme une peinture musicale qui vise à célébrer la liberté artistique intérieure, et à exprimer, par une évanescence sonore un peu fantasque, la nature de l'artiste principale dont le charme glamour et le désir d'unité à l'ensemble de l'équipe artistique rayonnent avec une chaleur évidente.

Stephen Gosling, Barbara Hannigan, Jorge Roeder, John Zorn et Ches Smith

Stephen Gosling, Barbara Hannigan, Jorge Roeder, John Zorn et Ches Smith

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Publié le 16 Septembre 2023

3e Symphonie (Gustav Mahler -  9 juin 1902, Krefeld)
Concert du 14 septembre 2023

 

Philharmonie de Paris – Grande salle Pierre Boulez

Ce que me content les Rochers.
Ce que me content les Fleurs des Prés
Ce que me content les Animaux de la Forêt
Ce que me conte l’Homme
Ce que me content les Anges
Ce que me conte l’Amour

Contralto Christa Mayer
Direction musicale Semyon Bychkov
Orchestre de Paris
Chœur de femmes et chœur d'enfants de l'Orchestre de Paris

Après ses retrouvailles avec l’Orchestre de Paris célébrées dans la Grande salle Pierre Boulez en septembre 2021 pour y diriger la 2d symphonie ‘Résurrection’ de Gustav Mahler, Semyon Bychkov renforce ce lien à nouveau renoué pour interpréter la 3e symphonie du compositeur autrichien au cours d’une ouverture de saison musicale particulièrement éblouissante au sein de la capitale.

Christa Mayer et Semyon Bychkov

Christa Mayer et Semyon Bychkov

L’art du chef russe – il est naturalisé américain depuis 1983 – est de pouvoir insuffler une profonde majesté de mouvement à l’orchestre tout en magnifiant la somptuosité des couleurs, et d’obtenir un merveilleux scintillement des cordes tout en faisant vivre de grands courants comme s’il portait un fleuve qui tourne sur lui même dans un ondoiement intensément romantique.

L'Orchestre de Paris

L'Orchestre de Paris

Les sections de cuivres situées en arrière scène, trombones côté cour et cors côté jardin, se fondent avec une chaleur noble et une précision dans les attaques qui sonnent très élancées, et les moments paroxysmiques sont d’une puissance magmatique phénoménale.

Semyon Bychkov et l'Orchestre de Paris

Semyon Bychkov et l'Orchestre de Paris

Effet de spatialisation sereinement immersif pour les solistes installés dans les hauteurs de la philharmonie, légèreté diffuse du souffle du chœur féminin, charme du chœur d’enfants, tout contribue à emmener l’auditeur dans un autre monde, même s’il peut être surpris par l’ampleur épique d’une telle fresque au regard de l’attitude attentive et humble de Semyon Bychkov.

Christa Mayer

Christa Mayer

Dans le 5e mouvement, Christa Mayer fait vivre des impressions d’une noirceur un peu froide mais avec une unité de timbre bien préservée, et tout le dernier mouvement est d’une suavité extrêmement raffinée où l’on sent progressivement des tremblements souterrains monter alors que Semyon Bychkov paraît lui même ébranlé par le tellurisme qu’il entretient avec un calme olympien.

La tension et la clarté des nombreux solistes impliqués sont naturellement splendides, comme on peut l’entendre avec la jeune hautboïste sollicitée dans le solo du dernier mouvement qui décrit un réveil et une élévation, ou bien le timbalier chargé d’impulser des vibrations grandiloquentes et d’une très grande netteté.

Chœur d'enfants de l'Orchestre de Paris

Chœur d'enfants de l'Orchestre de Paris

Ce très beau voyage onirique sera rejoué avec le Philharmonique Tchèque à Baden-Baden puis à Prague au mois de janvier prochain, et pour retrouver Semyon Bychkov dans une œuvre lyrique il faudra attendre la nouvelle production de ‘Tristan und Isolde’ prévue au Festival de Bayreuth 2024.

L'Orchestre de Paris

L'Orchestre de Paris

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Publié le 13 Septembre 2023

Orchestre et Chœur du Théâtre de La Scala de Milan
Concert du 12 septembre 2023
Théâtre des Champs-Elysées

Giuseppe Verdi (1813 - 1901)
Nabucco (1842, Milan) : Sinfonia, ‘Gli arredi festivi’, ‘Va’, pensiero, sull’ali dorate’
I Lombardi alla prima crociata (1842, Milan) : Coro della Processione ‘Gerusalem’, ‘O Signore, dal tetto natìo’
Ernani (1844, Venise) : Preludio, ‘Si ridesti il Leon di Castiglia’
Don Carlos (1867, Paris) : Finale balletto, ‘Spuntato ecco il dì d’esultanza’
Macbeth (1847, Florence - 1865, Paris) : Preludio, ‘Che faceste? Dite su!...’, ‘S’allontanarono!’,  ‘Patria oppressa! Il dolce nome’
Il Trovatore (1853, Rome) : Preludio, ‘Vedi, le fosche notturne spoglie’
La Forza del destino (1862, Saint-Pétersbourg) : Sinfonia, ‘Nella guerra è la follia’
Aida (1872, Le Caire) : ‘Gloria all’Egitto, ad Iside’
Bis Simon Boccanegra (1857, Venise): ‘Viva Simon, del popolo l’eletto!...’

Direction musicale Riccardo Chailly
Chef de Choeur Alberto Malazzi

Tournée européenne : Arènes de Vérone (31 août), Festival de Grafenegg (02 septembre), Konzerthaus de Vienne (04 septembre), Elbphilharmonie de Hambourg (05 septembre), Concertgebow d’Amsterdam (06 septembre), Musikkens Hus d’Aalborg (08 septembre), Bozar de Bruxelles (09 septembre – annulé), Philharmonie de Luxembourg (11 septembre)

Débutée aux Arènes de Vérone le 31 août dernier, la tournée européenne de l’Orchestre et du Chœur de la Scala de Milan s’achève au Théâtre des Champs-Élysées dans une ambiance étincelante à la rigueur quasi-martiale.

Le programme suit dans sa première partie une logique chronologique qui enchaîne les symphonies et les airs des 3 premiers grands succès de jeunesse de Giuseppe Verdi, ‘Nabucco’, ‘I Lombardi alla prima crociata’ et ‘Ernani’, qui sont développés, ce soir, selon une rythmique extrêmement précise sur un tempo modéré, telle une machine très bien huilée qui avance dans une tonalité spirituelle d’une forte emprise sur l’auditeur.

Riccardo Chailly

Riccardo Chailly

Le final du ballet de ‘Don Carlos’, écrit plus tard pour sa création parisienne, semble alors plus incongru, mais il apporte une légèreté très entraînante qui ne peut empêcher d’évoquer, pour ceux qui connaissent la mise en scène de Peter Konwitschny conçue pour l’opéra de Vienne, l’hilarant quatuor royal formé du Roi et de la Reine d’Espagne, l’Infante et la princesse Eboli, sous la forme d’un couple bourgeois moderne et conventionnel qui reçoit à dîner ses beaux parents.

Orchestre et Chœur de la Scala de Milan

Orchestre et Chœur de la Scala de Milan

Le point culminant du concert est alors atteint en début de seconde partie avec les extraits de ‘Macbeth’, le coup de génie de Verdi alors qu’il n’avait que 34 ans, introduit par la chaleur rutilante des cuivres et la puissance des cordes aux détails majestueux, suivies par l’allant des airs des sorcières et, surtout, la profondeur du chœur recueilli ‘Patria opressa’, écrit en 1865 pour la version parisienne, et qui atteint une intensité de velours qui rivalise avec la beauté des grands chœurs des opéras tragiques russes.

Chœur des sorcières de 'Macbeth'

Chœur des sorcières de 'Macbeth'

Riccardo Chailly présente ensuite un arrangement qui lie sans césure l’ouverture menaçante et pimpante d’’Il trovatore’ avec le chœur des forgerons du second acte et l’écho de ce même chœur repris un plus loin dans l’opéra, ensemble dominé par une densité rougeoyante très imagée, et enchaîne avec l’ouverture si célèbre de ‘La Force du destin’ qu’il fait suivre par une interprétation de ‘Nella guerra è la follia’ d’une très grande noblesse, bien qu’il s’agisse d’un chœur populaire.

La compacité sonore ancre ainsi une proximité naturelle avec l'esprit fougueux et dramatique de Verdi, et plusieurs 'Viva Verdi' seront lancés spontanément dans la salle par des spectateurs.

Alberto Malazzi et Riccardo Chailly

Alberto Malazzi et Riccardo Chailly

Le ‘Gloria all’Egitto, ad Iside’ d’’Aida’ permet enfin d’achever cette démonstration de maîtrise en l’ornant par de magnifiques effets d’irisation de la part des percussions, toujours dans cet esprit de souplesse très bien calibré, et le bis final qui déchaîne les furies de la fin du prologue de ‘Simon Boccanegra’, 'Viva Simon, del popolo l’eletto!…’, laisse entrevoir un message d’espoir qu’un jour, peut-être, un grand leader élu sans réserve par la majorité d’un peuple émergera pour le guider vers sa destinée.

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Publié le 11 Septembre 2023

Festival SenLiszt par les Solistes de l’Opéra national de Paris
Concert du 10 septembre 2023
Chapelle Royale Saint-Frambourg de Senlis
Fondation Cziffra

Wolfgang Amadé Mozart
Divertimento en fa majeur KV 138 (1772, Salzburg)
Quatuor pour Hautbois KV 370 (1781, Munich)

Richard Strauss
Les Métamorphoses (25 janvier 1946, Tonhalle Zürich)
Astor Piazzolla
Tristango et Libertango (1974, Milan)

Solistes de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris
Sylvie Sentenac, Alan Bourré (Violons)
François Bodin, Laurence Carpentier (Altos)
Matthieu Rogué, Jérémy Bourré (Violoncelles)
Daniel Marillier (Contrebasse)
Philippe Giorgi (Hautbois)

                                                                                         Jérémy Bourré (Violoncelle)

Au lendemain de l’avant-première jeunes de ‘Don Giovanni’ donnée à l’opéra Bastille en prémices de l’ouverture de saison de l’Opéra national de Paris, quelques-uns des musiciens, pour la plupart présents sur scène la veille au soir, se sont retrouvés à la Chapelle Royale Saint-Frambourg de Senlis pour y interpréter des œuvres de Wolfgang Amadé Mozart, Richard Strauss et Astor Piazzolla.

Sylvie Sentenac, Laurence Carpentier, Jérémy Bourré et Philippe Giorgi (Quatuor pour Hautbois)

Sylvie Sentenac, Laurence Carpentier, Jérémy Bourré et Philippe Giorgi (Quatuor pour Hautbois)

Cet édifice religieux, érigé sous Louis VII au XIIe siècle sur les vestiges de l’ancienne chapelle où Hugues Capet fut élu roi des Francs, fut sauvé par le pianiste Georges Cziffra et est devenu depuis 1977 l’auditorium Franz Liszt.

Il est coloré par les seuls vitraux existant signés Joan Miró aux teintes bleu-ciel qui ouvrent sur l’étendue de l’univers, mais la chapelle bénéficie également d’une excellente luminosité et d’une acoustique très favorable à la musique classique, sans réverbération excessive, ni sécheresse qui discriminerait trop les moindres détails.

Malgré la chaleur accablante dans laquelle est plongée ce lieu hautement musical, plus de 150 spectateurs, dont des enfants très jeunes, sont présents cet après-midi pour apprécier, en première partie, deux œuvres de Mozart écrites pour quatuors.

Sylvie Sentenac et Alan Bourré (Divertimento en fa majeur)

Sylvie Sentenac et Alan Bourré (Divertimento en fa majeur)

Empreint d’un charme raffiné et entêtant, le 'Divertimento en fa majeur' prend aussi une sensualité douce et chaleureuse où les vibrations pleines et étirées avec classe par la violoniste Sylvie Sentenac soulignent une âme bien affirmée et très expressive.

Le 'Quatuor pour Hautbois' permet de découvrir la virtuosité des lignes que Philippe Giorgi prodigue de manière alerte mais avec une finesse et une pureté d’une grande légèreté qui se mêlent magnifiquement à la noirceur riche et vibrante des cordes.

Les ondes mélodiques du bois d’ébène changent de tonalité en passant d’inflexions subtilement tristes à la clarté joyeuse selon un courant d’une fluidité très harmonieuse, ce qui laisse l’impression fugitive d’un être cherchant à rester insaisissable.

Philippe Giorgi (Quatuor pour Hautbois)

Philippe Giorgi (Quatuor pour Hautbois)

La pièce centrale du concert permet alors de réunir l’ensemble des sept musiciens à cordes pour livrer une interprétation des ‘Métamorphoses’ de Richard Strauss d’une noirceur impressionnante – cette version pour sextuor à cordes et contrebasse ne fut découverte en Suisse qu’en 1990, la version originelle ayant été écrite pour un orchestre de 23 instruments -.

L’œuvre fut engendrée par effroi suite aux bombardements des villes allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale, et entendre résonner en un tel lieu cet entrelacement de mélismes à la fois sombres et foisonnant d’éclats métalliques, tout en distinguant les effets de contrastes entre altistes et violonistes, plonge inévitablement l’auditeur dans un état réflexif accentué par l’intensité de son fantastique de l’orchestre.

Sylvie Sentenac, François Bodin, Laurence Carpentier (Les Métamorphoses)

Sylvie Sentenac, François Bodin, Laurence Carpentier (Les Métamorphoses)

Ces mêmes musiciens reprendront ce chef-d’œuvre au Palais Garnier en plein hiver, le dimanche 18 février 2024 à midi, précédé par la 'quintette en ut majeur KV 535' de Mozart.

Sylvie Sentenac, Alan Bourré, François Bodin, Laurence Carpentier, Daniel Marillier, Jérémy Bourré et Matthieu Rogué (Les Métamorphoses)

Sylvie Sentenac, Alan Bourré, François Bodin, Laurence Carpentier, Daniel Marillier, Jérémy Bourré et Matthieu Rogué (Les Métamorphoses)

Puis, toujours avec cette même densité de son qui prend au corps, deux adaptations de 'Tristango' et 'Libertango' extraits de l’album éponyme ‘Libertango’ composé par Astor Piazzolla à Milan en 1974 transportent les auditeurs dans un champ nostalgique et dansant, le second passage étant le plus célèbre puisqu’il fut repris par de grands artistes tels Grace Jones ou bien, plus récemment, Yo-Yo Ma

Philippe Giorgi, Sylvie Sentenac, Alan Bourré, François Bodin, Laurence Carpentier, Daniel Marillier, Jérémy Bourré et Matthieu Rogué

Philippe Giorgi, Sylvie Sentenac, Alan Bourré, François Bodin, Laurence Carpentier, Daniel Marillier, Jérémy Bourré et Matthieu Rogué

C’est tout autant la rythmique que les mélanges de couleurs des cordes – et les sons grattés du violon d’Alan Bourré en début d’air – qui font le charme et la joie de cette conclusion si vivante, si bien que l’on arrive en fin de concert en ayant le sentiment d’avoir traversé des époques, de styles et des évènements avec un grand luxe dans la réalisation.

Le plaisir s’exprime alors dans l’ovation chaleureuse rendue au bout d’une heure vingt de musique, et le regard curieux des plus jeunes est peut-être celui qui est le plus important car il annonce l’avenir.

La Chapelle Royale Saint-Frambourg de Senlis

La Chapelle Royale Saint-Frambourg de Senlis

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